Jour 137 :

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Lorsque je me réveille, j'ai la sensation détestable d'être un pantin désarticulé. C'est comme si j'avais fait une chute de plusieurs mètres et qu'on m'avait laissé m'encastrer dans le matelas. J'ai la vision comique d'un Looney Tunes écrasé par un piano tombé du ciel, c'est à peu près ce que je ressens. Je suis Vil Coyote, et il est évident que Bip-Bip m'a eu. Et d'un autre côté, je souris à la pensée que malgré tous les pianos et enclumes qui lui cassent le crâne, Coyote ne cesse jamais de courir après Bip-Bip. C'est peut-être ce qui s'apparente le mieux à la relation que je partage avec Hel. Le flirt entre une naissance et la fin qu'on redoute. Et pourtant j'ai la folie de penser que ça semble être ma place.

Je grimace quand je tente de me redresser. Les courbatures sont nombreuses et intransigeantes. Suis-je passée sous un camion ? C'est à se demander... Je m'assoie contre la tête de lit en passant une main faiblarde sur mon visage que je devine blafard. Non sans peine, j'attache rapidement mes cheveux. Hel ne les a pas épargnés. Je lui ai bien remarqué un goût certain pour certaines pratiques qui consistent visiblement à attraper mes cheveux sans douceur. Loin de me déplaire, le résultat n'en est pas moins désastreux : je vais passer une heure à démêler tout ça. Des flashs de la nuit dernière me reviennent en tête et mon ventre se tord.

C'était la première fois que je faisais ça, je n'avais aucune base, pas le moindre indice, et pourtant, j'ai le vertige en me souvenant à quel point tout était facile. Comme elle l'avait promis, elle n'a fait que me dévorer. De moi, elle a tout pris et j'étais d'accord. Et ce matin c'est comme si tout était évident malgré les douleurs et les bleus. Tout m'apparaît sous un autre angle et je commence à croire qu'elle pourrait me suffire. Je souris, j'ai soudain l'envie de l'écrire sur plus de cinq pages, de faire une bibliothèque de tout ce qu'elle est. Je me demande d'ailleurs où ma dépression peut bien se cacher.

Je me hisse au bord du lit en grimaçant, laisse mes pieds pendre dans le vide, me masse les jambes une seconde. Je m'étire, grogne lorsque je me lève et que mes pieds touchent le parquet froid de ma chambre. Je ne prête même pas attention à mon téléphone. Dans l'instant, le monde extérieur est d'un ennui mortel. J'enfile une culotte, un t-shirt et traverse ma chambre en restant près des murs. Ma tête tourne un peu, une sensation pas forcément désagréable, seulement le léger vertige après une coupe de champagne avalée un peu vite. Quelques chuchotements guident mes pas.

- Dégage, Saleté, si je te vois toucher à ça, je ferai de toi une carpette.

Je souris à cette menace bien fausse. Le chat n'y croit pas lui-même, il émet un miaulement insolent pour réponse. Quand j'arrive enfin dans la cuisine, je m'appuie contre la porte et vois Hel s'affairer devant ma gazinière, le chat assis sur la petite table devant la fenêtre. Une odeur des plus alléchante emplie mon appartement et je remarque qu'une assiette d'œufs au plat m'attend déjà. Une assiette qui attire visiblement toute l'attention du chat. Je ris face à cette scène surréaliste. Hel tourne la tête vers moi. Elle écarquille les yeux et délaisse tout ce qu'elle était en train de faire.

- Mais enfin qu'est-ce que tu fais debout ?

- Tu me manquais, j'avoue spontanément en haussant les épaules.

Après tout, j'imagine qu'après ce qu'elle a vu de moi hier soir, il ne sert plus à rien de mentir. Elle roule des yeux en cachant mal un sourire dans lequel je devine un brin de fierté et s'approche rapidement de moi. Sans que je n'aie eu le temps d'ajouter quoi que ce soit, elle se baisse et passe un bras sous la commissure de mes genoux avant de me renverser pour me soulever du sol.

- Hel, ça va, je t'assure, je proteste en m'accrochant pourtant à son cou.

Elle ne prend même pas la peine de répondre et nous emmène vers le salon. Je la détaille une seconde, heureuse de la sentir si proche. Je crois ne l'avoir jamais vu si belle. Ses yeux pétillent, ses cheveux étincelles, sa peau d'albâtre pourrait briller dans la nuit, elle s'apparente à une apparition divine. Si elle n'était pas si proche du diable, je dirais qu'elle est sans doute un ange malencontreusement tombé du ciel. Elle me dépose délicatement sur le canapé, me couvre d'un plaid. Je veux protester encore une fois, lui signaler que je n'ai pas si froid, mais le doigt qu'elle tend devant mon visage m'en empêche.

Le serpent avait l'air gentil.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant