Chap 22 : pdv Auréa

30 11 2
                                    

Lorsque je commençai mon stage dans le centre, je me sentis fébrile et impatiente. Je n'arrivais pas à me concentrer. Il n'y avait qu'Aaron qui comptait.

Où était-il ? Dans quel bâtiment ?

J'avais bien compris qu'ils avaient accepté ma demande uniquement parce que j'avais un handicap physique. Était-ce de la pitié ? Ou pour respecter des quotas ? Peu importait la raison, ils n'étaient pas du genre à prendre des stagiaires et la dame me l'avait bien fait comprendre. Je ne devais pas me faire remarquer. Je sentis la pression monter.

Plusieurs fois, la directrice m'avait demandé mes motivations. J'étais restée très vague. J'avais expliqué que leur établissement était proche de mon domicile et qu'avec mon handicap, j'avais du mal à me déplacer. Ce n'était pas la réalité, mais pour revoir Aaron, j'étais prête à tout.

Elle avait acquiescé. Cela lui avait paru logique. Pendant plusieurs jours, j'étais restée auprès d'une psychologue dans un grand bureau. La dame s'appelait Agathe et elle avait le regard sérieux qui me fixait toujours avec méfiance. Je trouvais qu'elle ressemblait à une fouine. Elle ne me faisait pas confiance, c'était flagrant. J'avais souvent l'impression qu'elle lisait en moi comme dans un livre ouvert alors que je lui parlais à peine. C'était angoissant.

Dès que je jetais un œil dans les couloirs dans le but d'y croiser Aaron, elle me scrutait en silence puis souriait, mais son sourire était faux. C'était juste ses lèvres qui bougeaient, pas ses yeux. Je voyais bien qu'elle me trouvait suspecte. Elle devait savoir quelque chose.

Agathe m'expliqua comment fonctionnait le centre, comment les patients étaient pris en charge, comment les dossiers étaient traités. Ce fut de longues heures d'explications sans fin. Ses propos étaient soporifiques.

Parfois, je regrettais d'avoir fait ma demande dans ce centre, mais l'envie de revoir Aaron me donnait du courage.

Lorsque je déambulais dans les couloirs, je m'imaginais rouler sur les traces d'Aaron. Je me demandais s'il allait vraiment mieux et s'il acceptait de prendre ses médicaments.

Était-il un peu heureux depuis son séjour ici?

Madame Edwige m'avait dit à son sujet, quelques jours avant de mourir :

-Tu devras comprendre une seule chose avec lui ?

-Quoi ?

-Est-il parvenu à accepter sa maladie ?

-Tu as raison, c'est important.

-Il ne saura jamais être heureux s'il n'accepte pas son sort. Et si ce garçon est malheureux, tu le seras aussi.

-Merci Edwige. Tu trouves toujours les mots pour m'aider.

Petit à petit, je m'habituai à la présence d'Agathe. Je prenais note de ses rendez-vous dans son agenda, je répondais au téléphone. Je l'aidais pour le café, pour les photocopies, pour détruire des documents avec la déchiqueteuse.

J'adorais utiliser cette machine diabolique qui pouvait déchiqueter des papiers importants en quelques secondes, entendre le bruit du papier qui tombait en confettis, être seule avec moi-même, faire une tâche tout en pensant à Aaron. Contempler cette machine sadique et méditer sur sa fonction m'aidaient à tenir la journée.

Je devais vraiment me sentir seule et déçue pour rêvasser sur un broyeur sadique.

Les jours passaient et jamais, je ne croisais Aaron.

Parfois, j'avais envie de pleurer, mais ça aurait été trop facile. Je devais assumer mon stage, même déprimée ou déçue. Je devais leur prouver que j'étais à la hauteur.

Un jour, lorsque je déambulai auprès du bureau d'Agathe, je remarquai un dossier qui était posé en évidence sur le bureau.

C'était un dossier épais avec une couverture verte.

Je le fixai sans pouvoir détacher mon regard du gros paquet de feuilles.

Est-ce ton dossier, Aaron ?

Plus jamais seuls (TOME 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant