Chap 11 : pdv Aaron

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   Quand j'attendais mon tour chez la psychologue du centre, je restais assis sur une chaise inconfortable et les minutes me paraissaient des heures.

Depuis des mois, je ne me posais pas de question. Je quittais ma chambre, je traversais quelques couloirs tout en fixant mes pieds afin de ne croiser le regard de personne puis je m'installais toujours sur la même chaise, celle qui grinçait, celle que les autres évitaient.

Le grincement rendait cet instant palpable. Certains auraient sûrement tout fait pour ne pas s'assoir sur cette chaise musicale, mais pas moi. Ce bruit me rassurait. C'était une routine qui se répétait et qui me promettait d'aller mieux. Cela me rappelait que j'étais vivant et que le monde autour de moi était bien réel, palpable, qu'il n'était pas qu'un sombre cauchemar.

Depuis quelque temps, je ne fixais plus mes baskets usées, les mêmes que j'avais depuis mon arrivée dans ce centre. Je levais le nez, car je voulais m'en sortir, même si j'avais l'impression de stagner.

Peut-être que j'avais envie tout au fond de moi de revoir un jour Auréa ?

Il y avait trois cadres pour décorer les murs blancs du couloir. 

Celui du milieu représentait un bateau. Il quittait la côte pour prendre le large. Tout en le fixant, je me demandais si un jour je serais capable de quitter ces lieux tout comme cette embarcation s'éloignait de la côte.

Avais-je envie d'affronter le monde extérieur impitoyable ? Pas vraiment, mais déjà plus qu'avant étonnement. Je progressais très lentement, petit à petit j'évoluais.

Auréa me donnerait l'envie de quitter ce lieu, mais il me manquait quelque chose pour y parvenir. 

Certains jours, je me disais qu'elle devait me haïr. Un affrontement avec elle me semblait insupportable. Elle aurait certainement peur de moi. D'autres jours, j'imaginais des retrouvailles attendrissantes. Elle tendrait les bras vers moi avec un sourire irrésistible et je n'arriverais pas à retenir mes larmes face à son enthousiasme.

Souvent, je supposais que mes amis avaient continué leur vie sans moi.

Je n'étais pas indispensable, je le savais. Je m'étais fait une raison. Personne n'est indispensable.

Peut-être m'avaient-ils déjà tous oublié et remplacé ?

Allais-je faire le choix de rester à jamais dans ce centre, tout comme mon grand-père ?

Allais-je devenir exactement comme lui ?

Plus jamais seuls (TOME 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant