Chap 29 : pdv Aaron

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   J'avais pris le bus pour rejoindre l'adresse de mes parents. Ils avaient quitté notre ancienne maison après mon altercation avec les policiers et ils avaient déménagé dans une nouvelle villa à quelques dizaines de kilomètres de là.

L'énorme maison m'avait laissé de marbre lorsque je l'avais contemplée. Le doigt sur la sonnette, j'avais hésité, mais je devais les revoir. C'était important pour moi. Je devais leur parler, me confronter à eux pour avancer, pour comprendre le garçon que j'étais devenu.

Avaient-ils accepté ma maladie ?

Avaient-ils compris tout ce que j'avais traversé jusqu'ici ?

Lorsque ma mère ouvrit la porte, elle me dévisagea avec effroi.

-Aaron ? Mais ... que fais-tu là ?

Son accueil me refroidit aussitôt, mais je restai digne. Je ne voulais pas craquer devant elle.

-Je viens de quitter le centre. Je suis sorti il y a une heure à peine.

Elle me fixa un long moment sans savoir quoi me répondre. Ce silence me déstabilisa. J'avais anticipé beaucoup de réactions de sa part, mais pas celle-là.

Avais-je espéré qu'elle saute de joie en me voyant sur le pas de la porte ? Qu'elle me serre contre elle comme lorsque j'étais son petit garçon parfait ? Qu'elle soit fière et impressionnée ? Avais-je encore cru en ces attentes irréalistes ?

Je lui souris, le regard sombre :

-Puis-je entrer maman ?

-Oh, mais bien sûr. Où avais-je la tête ?

Je contemplai le hall d'entrée puis posai mon sac sur le sol. Soudain, je me sentis seul, très seul. Ma mère était face à moi, perdue, si lointaine. Elle appela mon père sans bouger, comme pétrifiée par ma présence.

Cherchait-elle à retrouver un peu de contenance ?

Mon père apparut avec un sourire étonné sur le visage. Il me contempla, perplexe. La fierté dans son regard avait disparu, celle d'avant, celle qui s'était envolée depuis longtemps et qui ne reviendra pas de sitôt.

-Te voilà, fiston. Je n'y croyais pas.

-Me voilà, répétai-je mal à l'aise.

-As-tu le droit de quitter le centre du jour au lendemain ?

Sa question me blessa, mais je me forçai à ne pas le lui montrer.

-Oui, papa. Je vais bien, tu sais.

-Tu as bonne mine, en effet. Tu vas sûrement mieux, dit-il sans grande conviction.

-Je voulais savoir si je pouvais dormir ici quelques jours ?

-Bien sûr, intervint enfin ma mère.

-On va te faire visiter la maison.

Je les suivis à travers un énorme salon, une cuisine gigantesque, une buanderie bien équipée puis nous montâmes à l'étage.

-Nous avons 5 chambres, déclara mon père fièrement.

Je visitai leur chambre, un bureau, une salle de sport et une chambre transformée en dressing puis je restai immobile face à la dernière chambre.

Celle-ci avait été emménagée en bibliothèque par mon père qui était un féru de lecture. La maison était complètement différente par rapport à notre ancienne demeure. Ils avaient changé de nombreux meubles, la décoration avait été adaptée, les couleurs des murs étaient étonnantes. Ma mère n'aimait pas le vert ni le rouge et pourtant, ici, elle avait opté pour ce genre de teintes.

-Tu dormiras sur le divan, d'accord ? dit-il finalement.

J'étais anéanti. Je n'avais pas de chambre dans cette nouvelle maison. Avais-je totalement disparu dans leur vie ? Où était passé mon repère d'adolescent, celui d'avant ? Où se trouvait le reste de mes affaires ? Celles de mon enfance ?

Avaient-ils supposé que je ne reviendrais jamais ?

Choqué, je restai immobile devant les étagères de livres.

J'étais tellement triste que je ne pus cacher ma déception. Les livres me rappelèrent les fameuses ordonnances que je cachais. Où étaient-elles ? Ma mère était-elle tombée dessus en triant mes affaires lors du déménagement ?

Ma mère me scruta et comprit aussitôt ma peine :

-Nous allons t'aménager une chambre dès demain, d'accord ?

-Vous pensiez vraiment que je n'allais jamais revenir ?

-On ne savait pas comment ta situation allait évoluer.

-Vous pensiez que j'allais rester là-bas toute ma vie ?

-Nous ne ...

-Comme grand-père ?

-Mais ... comment voulais-tu que nous devinions ? 

-Comment savoir, fiston ?

Sombre, je souris tristement à ma mère. Je ne voulais pas entendre ses fausses excuses. J'avais beaucoup trop souffert avec toute cette histoire, mais c'était à cet instant que je souffrais le plus, à cause d'elle et du regard qu'elle posait sur moi, mais elle ne le comprit pas. Elle ne comprenait rien à ma déception. Elle ne comprenait jamais rien.

Cela n'avait plus d'importance.

Je n'avais déjà plus de place dans leur vie.


Plus jamais seuls (TOME 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant