Plus jamais seuls (TOME 2)

Chap 42 : pdv Aaron

   Je n'arrivais pas à détacher mon regard de la route. C'était magnifique, des montagnes, des forêts à perte de vue, un ciel capricieux qui vous donnait le vertige. Je me sentais libre, toutes mes galères passées devenaient brusquement légères et supportables.

Le monde me paraissait grand et majestueux, apaisant et accueillant. La longue route qui s'élançait entre les arbres s'entendait à l'infini et cela me redonnait espoir en l'avenir.

Le vieil homme n'était pas très bavard et cela me convenait très bien, mais alors que nous approchions de la petite ville d'Healy, il sembla réaliser que j'allais bientôt m'aventurer seul sur ce sentier périlleux. Soudainement, il se mit à parler:

-Tu as déjà entendu parler de la rivière Teklanika ?

-Oui, j'ai lu beaucoup d'articles sur cette rivière.

-Lire c'est bien, gamin, mais je crois vraiment que tu ne réalises pas la puissance de cette rivière indomptable.

-Je serai prudent. Je vous le promets.

-Ne fais pas de promesse en l'air.

Je le scrutai en silence. Il avait raison de me mettre en garde. Je savais que ce voyage serait dangereux et pourtant, je me braquais à vouloir y aller seul.

Ce trail, je voulais le fouler, le suivre comme pour retrouver mon âme d'enfance, j'avais besoin de me réconcilier avec mes rêves perdus d'adolescent insouciant.

Voulais-je me prouver à moi-même que j'en étais capable ? Que je pouvais tout plaquer et entreprendre cette expédition avec succès ? Pourquoi ne pas me lancer un autre défi ? Pourquoi celui-ci et pas un autre ? Je n'avais pas la réponse. Parfois, je n'arrivais pas à me comprendre moi-même.

Quand on est un enfant, on grandit avec des rêves pleins la tête. Beaucoup ne se réalisent jamais. La plupart tombent aux oubliettes ou restent tout simplement inaccessibles.

Peut-être que réaliser celui-ci me permettait de faire le deuil de cette enfance frustrante où je n'avais pas vraiment pu être moi-même ?

J'avais toujours dû respecter des codes que je n'aimais pas, sauver les apparences, paraître parfait aux yeux des autres alors que je ne l'étais pas. Je n'avais jamais été le fils irréprochable tant espéré par ma mère.

Mes parents m'avaient gâté à outrance et ils m'avaient laissé une certaine liberté qui n'était qu'illusoire. L'argent ne remplaçait pas leur écoute et leur amour. Ils ne m'avaient pas aidé à m'accepter tel que j'étais. C'est-à-dire, un garçon malade qui avait besoin d'un suivi médical et de soutien.

-Je vous promets que je serai prudent, répétai-je avec conviction au vieil homme.

Celui-ci me jeta un rapide coup d'œil puis fixa de nouveau la route filant devant nous.

-Comment puis-je te croire ?

-J'ai fait une promesse à une fille très importante pour moi. Je veux tenir parole.

-C'est bien de le vouloir, mais la réalité peut parfois nous rattraper. J'espère que tu seras raisonnable.

Je tiendrai ma promesse Auréa.