Plus jamais seuls (TOME 2)

Chap 44 : pdv Aaron

   J'étais trempé à force de marcher sur la piste inondée, de patauger dans la boue ou de traverser des tourbières. Je n'avais jamais vu un chemin aussi épuisant et aussi déroutant de toute ma vie. J'étais éreinté et essoufflé. Mon sourire s'était petit à petit envolé.

Mon entraînement en Belgique paraissait bien futile lorsque j'avançais sur cette piste détrempée qui me donnait le tournis. Les kilomètres n'en finissaient pas.

C'était pourtant de cette piste indomptable dont je rêvais depuis si longtemps. Je foulais ce chemin mythique, mais la réalité était toute autre. C'était la galère.

J'étais tombé de nombreuses fois sur le sol malgré mes bâtons de marche. J'avais perdu l'envie de prendre des photos lorsque mon IPhone avait glissé dans une flaque d'eau brune, heureusement que celui-ci était waterproof. J'avais aussi commencé à avoir froid car le vent tournoyait autour de moi et me glaçait sur place.

Me retrouver de tout mon long dans la boue m'avait fait réfléchir. C'était comme si mes chutes me nettoyaient du passé, me faisaient relativiser mes malheurs. Si je survivais à ce maudit sentier, je ne serais plus le même jeune homme.

Je réalisai que j'avais parfois été capricieux, désagréable et exigeant avec les autres. J'avais fait des erreurs et surtout j'étais devenu incontrôlable lorsque j'avais arrêté mes médicaments. Je regrettais du plus profond de mon âme mes agissements, ceux qui avaient été maladroits et qui avaient effrayé les autres.

C'était comme si le sol m'aspirait par endroits et lorsque je me battais pour me relever, je repensais soudain à tout ce que ma psy m'avait dit lors de ma thérapie au centre. Tout devenait logique et clair. Tout avait un sens.

Avant, je n'avais pas compris toutes les nuances. J'avais essayé pourtant, mais c'était sur ce chemin en Alaska que tout s'éclaircissait, comme une lumière qui s'allumait au-dessus de ma tête après des années de ténèbres.

Et soudain, je me sentis très seul, terriblement seul au milieu de cette nature sauvage. Sur le sol, je remarquai des empreintes de bêtes sauvages. Je savais qu'il pouvait m'arriver n'importe quoi à tout moment. Et tout à coup, je réalisai que la Belgique me manquait. J'avais la certitude qu'après mon expédition, je rentrerais chez moi.

C'était mon souhait le plus cher.

Tout en marchant dans la boue, les pieds trempés, je me mis à pleurer sans raison apparente. Je pleurai toutes les larmes de mon corps sans pouvoir les retenir. 

Ces larmes étaient celles que j'avais refoulé depuis si longtemps. Celles pour la mort de mon grand-père, celles pour le frère que je n'avais jamais eu, celles pour les réactions blessantes de mes parents, celles pour mes affaires empilées dans le garage, celles pour ma chambre inexistante, celles pour mon séjour dans le centre, celles pour la mort de madame Edwige et surtout, celles pour Auréa, la fille de mes rêves qui était soudain si loin de moi.

À bout de souffle, je montai ma tente tout en fixant les étoiles au-dessus de ma tête. Le ciel était magique, unique, immense. Il scintillait de mille feux. Un ciel étincelant comme je n'en avais jamais vu. Les arbres m'englobaient et me donnaient le tournis. Tout était si grand et si indomptable. J'étais à la fois euphorique et effrayé par cette grandeur renversante.

Je finis par m'endormir comme un poids mort dans mon sac de couchage, tout en essayant de guetter les bruits autour de mon refuge de fortune. J'espérai de tout cœur que les grizzlis ne viendraient pas me rendre visite pendant la nuit.

Je n'avais jamais été aussi proche de mon objectif. Y arriverais-je enfin ?

Il se remit à pleuvoir alors que nous étions en juin, mais cela m'était égal. La pluie pouvait tomber tel un torrent du ciel, rien ne m'arrêterait, rien ne m'obligerait à rester immobile. Je voulais avancer.

J'avais fait une promesse à Auréa, celle de revenir auprès d'elle après mon expédition, mais serais-je capable de la tenir ?

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Un grand MERCI pour les 1000 lectures ! C'est incroyable ! (10 novembre 2023)