Chap 38 : pdv Aaron

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   Le vol m'avait paru une éternité. J'avais réfléchi sur ma vie, sur mon passé, sur tout ce que j'avais traversé depuis que j'avais rencontré Auréa. Cette fille unique qui avait bouleversé mon existence.

Je nous revoyais ensemble sous notre arbre, côte à côte à l'école. Je repensai à la supérette et au jour où les policiers m'avaient embarqué devant tous les élèves. Des souvenirs du centre tournoyaient dans mon esprit. Les heures chez le psy où j'avais décortiqué mon enfance, mon adolescence. J'avais enfin réussi à m'en sortir alors que je pensais en être incapable.

J'étais dans cet avion, autonome et indépendant. J'y étais vraiment.

Ce que grand-père n'avait su faire, je l'avais fait. J'en avais été capable. J'allais mieux. Me retrouver dans ce vol en était la preuve.

Pendant mon séjour chez mes parents, je m'étais entrainé comme un forcené. Je m'étais mis à courir chaque jour. D'abord 2 km puis 5. Ensuite, j'avais atteint 7 km puis 10. Quand je courais, je me sentais vivant et libre. Je m'étais mis à faire des pompes et je faisais des entraînements. Je voulais être en forme pour affronter une randonnée annoncée difficile. Je n'avais pas droit à l'erreur si je voulais un jour revenir en Belgique.

Pendant des heures, j'avais écouté de la musique pour me donner du courage, pour me sentir moins seul. Bientôt, il n'y aurait plus que moi et la célèbre piste Stampede. Je ne pourrais plus compter que sur moi-même.

J'avais détaillé la carte que j'avais achetée avant de partir. J'avais téléchargé sur mon GSM plusieurs applications pour m'aider à me repérer. J'avais acheté une batterie solaire qui pouvait recharger mon iPhone.

Je n'étais qu'un débutant qui s'apprêtait à partir seul en pleine nature et pourtant, je m'en sentais capable. Je baissai les yeux sur mon guide, le fameux guide que j'avais acheté plusieurs années auparavant et qui était resté sur mon étagère si longtemps. Étonnement, mes parents ne l'avaient pas jeté. Je l'avais retrouvé dans une des caisses en carton qui prenaient la poussière dans leur garage.

Lorsque j'avais posé la main dessus, mon cœur s'était serré dans ma poitrine. C'était des retrouvailles atypiques. Ce guide était tellement précieux à mes yeux. C'était comme un vieux pote que l'on retrouve par hasard au détour d'une rue. Dans celui-ci, j'avais laissé un petit mot de Son Goku. Nous devions avoir 15-16 ans lorsqu'il me l'avait écrit:

« Un jour, tu réaliseras ton rêve »

Ce message reflétait toutes mes aspirations d'adolescent, mon envie de liberté et mon espoir d'être un jour heureux. Ce voyage était le reflet de ma recherche du bonheur.

Lorsque l'avion atterrit à Fairbanks, mon corps fut parcouru par des frissons. C'était réel.

J'étais enfin en Alaska.

Mon équipement sur le dos, chargé comme un baudet, je quittai l'aéroport en regardant tout autour de moi comme un touriste ébahi. Les forêts à perte de vue s'élançaient vers l'horizon. La ville paraissait insignifiante à côté de ce paysage stupéfiant.

Instinctivement, je pensai à Auréa.

Avait-elle enfin lu ma lettre ? Celle que j'avais failli ne jamais lui remettre.

Levant les yeux vers le ciel bleu, je sus à cet instant que tout n'était pas perdu.

Plus jamais seuls (TOME 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant