Chap 32 : pdv Aaron

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   Depuis quelques jours, j'avais acheté tout mon équipement pour mon voyage en Alaska. Je voulais partir, c'était décidé.

Les remarques désobligeantes de mon père et les reproches de ma mère ne m'arrêteraient pas. Personne ne me retiendrait.

-Je savais que je devais jeter ce stupide poster, avait crié mon père en colère, mais il ne comprenait pas que, sans ce poster, rien n'aurait été différent.

Mes parents ne saisissaient pas que je devais partir. J'étais malheureux depuis trop longtemps. Je souhaitais m'éloigner pour me reconstruire, pour évoluer et pour comprendre qui j'étais réellement. J'avais besoin d'être seul, très loin d'ici. Je devais aussi apprendre à m'accepter tel que j'étais.

Leur éducation froide et rigide m'avait traumatisé. Je voulais me sentir libre et m'envoler pour déployer mes ailes. Je ne voulais plus cacher qui j'étais ni faire croire aux autres que j'étais parfait. Je voulais être honnête comme Auréa.

Personne n'était parfait.

J'étais malade, c'était aussi simple que cela.

Maman ne comprenait pas qu'en m'empêchant d'aller chez un médecin, qu'en me forçant à aller dans une ville voisine acheter mes médications, elle m'avait meurtri. Sa honte m'avait rendu instable et fragile. Son attitude m'avait enfoncé dans mes problèmes alors que j'avais besoin d'être soutenu et rassuré.

Avant mon départ, j'avais tenté de leur parler, mais je savais que c'était en vain. Ils essayaient d'intégrer ma vision de la vie, mais elle était tellement à l'antipode de la leur que je savais que c'était peine perdue.

Ils avaient fini par accepter mon choix. J'étais majeur et vacciné. Ils me donnèrent l'argent pour réaliser mes rêves. C'était leur façon à eux de me montrer qu'ils m'aimaient malgré tout. L'argent aidait dans la vie, mais il ne remplaçait pas le plus important : l'amour sincère, l'authentique, sans condition.

Cela me toucha malgré tout, car je savais que c'était leur manière à eux de m'aider. Au fond, ils étaient juste trop différents de moi et maladroits à mon égard. Je ne pouvais pas leur en vouloir. Il me fallait juste faire le deuil de ce qu'ils n'étaient pas. Accepter leurs erreurs. Mes parents n'étaient pas parfaits, tout comme moi. Je ne voulais pas me disputer avec eux, je voulais les comprendre pour avancer dans notre relation.

Un matin ensoleillé, ma tenue d'aventurier sur le dos et un énorme sac à la main, je souris à ma mère. J'embrassai mes parents tout en les remerciant pour leur générosité.

Maman se mit à pleurer tout à coup et ses larmes me surprirent. Je ne m'y attendais pas du tout. Je restai immobile face à sa tristesse imprévue, silencieux.

-Tu reviendras, mon fils ?

-Promis.

-Tu seras prudent ?

-Bien sûr.

-Désolés de ne pas être la mère que tu espérais, souffla-t-elle tout en séchant ses larmes.

Je fus surpris par cette confession inattendue.

-Désolé de ne pas être le fils dont vous rêviez.

Mon père se mit à rire. Il posa ensuite la main sur mon épaule :

-J'espère que tu trouveras ce que tu cherches là-bas.

-Merci papa.

-J'espère que tu seras enfin heureux, murmura maman, émue.

-J'ai une dernière question à vous poser.

Maman acquiesça pour me pousser à la poser :

-Avez-vous accepté ma maladie mentale ?

-Bien sûr fiston, répondit mon père spontanément.

Maman resta silencieuse derrière lui, le visage fermé. Elle ne répondit pas à ma question. Son silence me blessa. Je ne pouvais pas tout avoir du jour au lendemain.

Je faillis insister, puis je laissai tomber. Peut-être n'étais-je pas prêt à écouter sa réponse ?

Alors que j'ouvris la porte, je sentis mon cœur battre la chamade. Je partais enfin. J'étais en train de réaliser mon rêve.

-On t'aime fiston, tu le sais quand même ? murmura mon père.

-Oui, on t'aime, souffla maman d'un seul coup.

Non, je ne le savais pas. J'en doutais depuis longtemps, mais à cet instant, je sus que leur amour était réel. Certes, il était chargé de maladresses et de non-dits, certes ils n'arrivaient pas à me percer à jour, mais ils m'aimaient malgré tout.

Ces quelques mots se gravèrent dans mon esprit instantanément, ils étaient doux et apaisants. Ils étaient précieux et irremplaçables.

C'était comme un pansement qui recouvrait une plaie suintante.

Je leur fis un dernier signe de la main, tout en retenant mes larmes.

-Merci, je vous aime aussi. À bientôt.

Plus jamais seuls (TOME 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant