[PARTIE 1] Chapitre 1 : Né lors d'une nuit d'hiver

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Février
1477 Après l'Age de Mort

Aidan rêvassait perchée sur son balcon, le nez rougit, ses cheveux blond clair tournoyant autour de son visage, tourné vers l'Œil d'Otolep. Les secrets de ce lac étaient loin d'être un jour percés. Certains disaient qu'il est l'œil de l'Imagination, le pouvoir qui coulait en Gwendalavir et qui permettait aux dessinateurs d'user de leurs pouvoirs. Un bien précieux don qu'était dessiner pour les alvariens, bien que peu en soit doté et encore moins pouvait l'utiliser comme un véritable Art. Le dessin était ce qui faisait de l'Empire de Gwendalavir, Gwendalavir. Un don qui malheureusement était aussi détenu par les Ts'liches, villes créatures belliqueuses heureusement aujourd'hui disparues. L'Empire était protégé par les Sentinelles, un groupe formé des plus puissants dessinateurs de l'Empire qui avait pour tâche de garder les Spires, la source de l'Imagination.

L'Œil d'Otolep était un des nombreux secrets que gardait cette terre et cette dimension. Certains y trouvent la sérénité voire la guérison, tandis que d'autre sombraient tout bonnement dans la folie rien qu'en s'y approchant.

Aidan, elle, y avait nagé de nombreuse fois, en ressortant comme régénérée à chaque baignade. Il y régnait un microclimat sec et doux qui contrastait avec les Marches du Nord et son presque éternel hiver. Aidan aimait le froid, la sérénité qu'il apportait et les chants que portait le vent quand il frappait les murs de la Citadelle. Et même elle qui aimait son pays par-dessus tout, aurait échangé n'importe quoi pour un petit plongeon dans les eaux d'Otolep. Rien que pour retirer les effroyables courbatures qui parcouraient constamment son corps. Malheureusement pour elle, les médecins de la Citadelle lui avait formellement déconseillé, puis interdit par Hander Til'Illan, de soumettre son corps aux effets de l'Œil. Et cela en raison de la petite vie qui grandissait dans son ventre.

En tant qu'épouse du seigneur des Marches du Nord, elle lui devait obéissance (enfin en principe) mais avant tout ne s'engagerait pas dans une de leur foudroyante dispute à neuf mois de grossesse. Non pas qu'il ne s'aimait pas, bien au contraire, mais le couple royal était comme qui dirait composé de deux têtes de mule, qui pouvaient camper sur leurs positions pendant des semaines avant de finalement craquer et de se retrouver dans la chambre conjugale. Cela devait d'ailleurs être à l'issue de l'une de ces joutes verbales qu'avait été conçu le petit être qui rejoindrait bientôt Aidan et Hander.

– Madame compte-t-elle rester geler dans le froid toute la soirée ?

La voix d'Hander avait résonné dans son dos, tellement prise dans sa contemplation qu'elle n'entendit pas ses pas.

– Loin de moi l'idée de perdre mes doigts avant de m'engager dans un travail à temps plein avec cet enfant, mon cher mari.

Elle vint tendrement embrasser le roi avant de s'affaisser doucement contre la tête de lit conjugal. Croisant ses pieds et remuant ses orteils pour y faire recirculer le sang. Comprenant l'allusion, le seigneur Til'Illan s'assit au pied du lit et massa vigoureusement les plantes rougies de son épouse.

– Je te promet que si cet enfant ne pointe pas le bout de son nez dans une semaine, je le délogerais toute seule.

La remarque tira un sourire à Hander toujours pris dans sa tâche.

Bien que la grossesse l'eût émerveillée pendant huit mois (les nausées en moins), ces dernières semaines lui paraissaient interminables. Aidan se comparait souvent à une baleine échouée ou à un immense marcheur trop gros pour ses frêles pattes. Avant sa grossesse, Aidan était patrouilleur parmi les Frontaliers et vadrouillait le plus souvent à la lisière des Plateaux d'Astariul combattant tigres, goules et très souvent les rixes de Raïs contournant la Chaîne du Poll par la Forêt Maison, peuplée des pacifiques et ignorants Petits. Elle avait dû mettre tout cela de côté il y a quatre mois, lorsque son ventre devenait trop évident et encombrant lors d'un combat. Étrangement, aux yeux d'un étranger civil en tout cas, ce n'était pas nécessairement pour son enfant qu'elle s'en faisait, elle faisait suffisamment confiance en elle et en ses capacités pour ne pas risquer sa vie. C'était plutôt pour sa capacité à ne pas ressembler à un cachalot qu'elle s'inquiétait.

Sons of Merlin - Dark ShadowsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant