L'heure d'un adieu - Irina

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Quinze jours avant l'enlèvement.

Voilà déjà plusieurs jours que je n'ai pas eus des nouvelles d'Olivia. Depuis ce qu'il s'est passé dans les vestiaires de la salle de sport, elle n'a plus remis les pieds à la fac. Sa mère m'a appelé plusieurs fois pour m'assurer que tout va bien, mais qu'elle a juste besoin d'avoir du recul sur tout cela avant de sombrer. Je me sens si coupable de ne pas avoir agi plus vite, plus fort. J'ai été très amochée, cependant, ça n'égalera jamais le fait qu'elle a été mise en sous-vêtement, filmée et salit devant leurs téléphones portables. Personne ne semble prendre vraiment les choses au sérieux et nous aider. Les gens qui sont venus, qui ont fait cesser cela, n'étaient même pas des élèves d'ici. C'étaient seulement des personnes qui cherchaient des toilettes, puis qui ont agi. J'ai supplié ma meilleure pote de porter plainte, mais rien à faire, elle refuse. Je compte tenter ma chance avec mon père et lui demander de m'emmener à la police. Son ami bosse là-bas, si j'y vais sans lui, il ne prendra pas ma requête.

Je soupire et me laisse tomber en arrière sur mon lit. Je me sens si impuissante, incapable de savoir quoi faire pour être une excellente copine pour elle. Je fixe mon plafond à la blancheur qui a viré au gris. À force de le regarder, sa couleur claire disparaît spontanément. Fut un temps, il y avait un clown, sur une balançoire, accroché près de mon ampoule murale. Je crois que c'est ma mère qui avait jugé bon de me traumatiser de la sorte. Quand j'ouvrais la fenêtre, que l'air frais entrait, il se balançait en gardant l'identique sourire flippant. Je l'ai jeté une semaine après sa mort. Même si c'était un cadeau de sa part, je faisais bien trop de cauchemars. Je ne parle évidemment pas de ce que ses trois pédophiles me faisaient chaque soirée.

La sonnerie de mon téléphone me sort de mes pensées. Je me redresse et m'en saisis rapidement. Un message provenant de la mère d'Olivia apparaît sur l'écran.

Madame Latour :

Bonjour, ma puce.

Nous serions ravis que tu passes le week-end à la maison.

Tu peux venir dans une demi-heure.

À bientôt.

L'heure affiche dix-sept heures. Je m'extirpe de mon lit et attrape un sac pour y mettre de quoi me vêtir pour les petits jours là-bas. Mon cœur bat la chamade et l'excitation de la revoir est bien trop intense. Le sourire à mes lèvres ne me quitte pas. Elle me manque bien trop, nous n'avons jamais été séparés aussi longtemps de nos vies. Un pyjama, deux tee-shirts, un pantalon, des sous-vêtements, me voilà prête pour y aller. En ce qui concerne les produits de beauté, brosse et autre, ses parents ont toujours une réserve personnelle qui m'appartient. Je vis presque chez eux quand je pense à ce petit geste de leur part. À défaut de ne plus avoir de mère, je l'ai elle. Et puis son père... il est bien plus aimant que le mien. Un homme protecteur envers les siens, ce que j'aurais souhaité avoir également.

J'entends la porte d'entrée s'ouvrir, m'annonçant que mon paternel vient de rentrer. Je ferme mes volets, puis sors de ma chambre. C'est avec la gorge sèche que j'avance jusqu'à l'escalier. Je m'apprête à lui demander une chose qu'il me refusera à coup sûr, mais je dois tenter après tout. J'ai vingt-deux ans et je ne peux plus avoir peur, comme la gamine de six ans que j'étais quand il a fait de moi sa pute.

Mon pied se pose sur la dernière marche, me donnant une vue sur le monstre qui vit dans ces lieux. Il est vêtu d'une chemise à carreaux et d'un jean à moitié troué. Une cigarette aux lèvres, il recrache la fumée tout en me regardant. Ses cheveux grisés lui assènent un air de négligé. Les bourrelets qui constituent son corps montrent son laissé aller durant les années précédentes. J'avance jusqu'à la table basse tout en tenant mon sac près de moi. Je déglutis un instant, puis ouvre enfin la bouche :

Je veux vivre TOME I - Dark RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant