Chapitre 12 : au dessus des hommes

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L'esprit des airs tourbillonne jusqu'à la Celestodori, puis gravit les hautes tours de la demeure du Roi de la Nuit.

Il sent le champ psychique du Bestial et du Nocturne, vers lesquels il se dirige.

Il se glisse par l'interstice d'une fenêtre, file sous le nez d'une vampiresse, puis devant un autre vampire qui lui le suit des yeux bien que le laissant passer, puis débouche dans un salon.

Là, devant une cheminée, le maître des lieux observe les flammes qui crépitent, pendant que son confrère ronfle sur un canapé qu'il a garni de coussins volés dans les autres chambres.

L'esprit se dirige vers lui, se demandant comment il va le réveiller... Quand une main griffue se referme sur lui, tandis que des écarlates yeux lupins le fixent.

« Oh... depuis combien de temps n'avais-je pas vu un esprit... ? »

Shoto s'est retourné, un sourcil levé d'intérêt, avant de déclarer : « C'est un messager ! »

L'être vaporeux ne comprend pas comment cet homme-loup réussit à le tenir, aussi commence-t-il à paniquer !

« Lâche le Katsuki ! Il ne va rien dire si tu lui fais peur ! »

Le seigneur de la Forêt gronde, mais il obéit.

De nouveau libre, l'esprit s'éloigne vivement, avant d'enfin délivrer son message.

Une fois fini, il s'évapore le plus vite possible, fuyant ses deux êtres beaucoup trop divins pour lui !

« ...Momo doit avoir un plan. Vas-y. »

« Je ne vais pas me le faire dire deux fois ! »

« Tu veux que je te conduise en volant ? Ce sera plus rapide... »

« Tu sous-estimes ma vitesse. »

Le bicolore se fend d'un demi-sourire.

« Oui, effectivement, j'oubliais... Ne fais pas n'importe quoi, d'accord ? Nous avons un accord, tous les quatre, je te rappelle : pas d'interférence avec les territoires des autres ! Je reste le juge... »

« Ouais, ouais, comptes sur moi, c'est ça ! Tu me connais. »

Et il s'enfuit de la pièce, déjà à moitié bête.

« ...C'est bien parce que je te connais que je m'inquiète. »

Mais l'autre est déjà loin.

Il ne lui faut pas longtemps pour sortir du château et pas beaucoup plus pour revenir sur le plancher des vaches, où il commence à courir de plus en plus vite, de moins en moins homme, de plus en plus loup géant.

Il est en route.


*

« Il devrait en avoir pour deux jours à venir, je dirais. » nous informe Momo.

« Donc deux jours pendant lesquels il va falloir se cacher... Se cacher d'un Roi fou, sur son propre territoire, et dont la deuxième personnalité entrevoit l'avenir ! » complète Kyoka, grinçante.

« Oh, ne soit pas défaitiste comme ça ! » je l'interpelle.

« Admets que c'est mal engagé... ! Dans les montagnes, je faisais de la résistance avec comme cheffe une infiltrée... Ce n'est pas le même niveau de difficulté, quoi... ! »

« C'est vrai que, jusqu'alors, nous n'avions pas eu à affronter des situations aussi complexes... Il y avait toujours eu des alliés chez le Roi local pour nous aider... ! » intervient Tsuyu.

« Tamaki ne nous est, à priori, pas hostile... »

« Tu penses vraiment qu'il puisse nous être d'une très grande aide ? »

« Ça ne coute rien de tenter... »

« Admettons... Tsuyu ! Ton réseau d'alliés, il est temps qu'il serve à quelque chose ! Trouve-nous quelqu'un qui pourrait nous abriter ! »

De mon côté, je me mure dans le silence, pendant que les trois filles discutent de notre prochaine destination.

Je me sens plus abattue que jamais... J'ai déjà été plusieurs fois la victime de doutes sur la viabilité de mon projet, mais c'est la première fois que je me sens aussi peu sûre de moi... !

Katsuki voulait y croire, au fond, quoi qu'il en dise et il avait une énergie débordante !

Eijiro vivait dans le passé, mais c'était un bon vivant avec un bon cœur sous sa carapace !

Shoto avait toujours la volonté de bien faire, en dépit de ses échecs, malgré sa fatigue psychologique !

Alors qu'Izuku... c'était un cœur d'or qui a sombré au-delà de toute limite dans une profonde dépression, qui n'a plus les pieds dans la réalité, et qui fuit ses démons !

C'est un Roi que je ne sais pas comment toucher... Et qui infecte mon esprit avec son abattement juste en parlant !

En comptant ma vision, je ne l'ai vu que deux fois... mais cela a suffi à gangrener mes certitudes.

Les gens d'ici le voient comme une catastrophe naturelle... or il est impossible de discuter avec un tsunami aveugle !

Et puis... il a ce regard qui m'avait assailli lors de notre arrivée.

Ce n'était pas celui du Roi. J'en ai la conviction.

Alors à qui appartenait-il ?

Ce n'était pas non plus celui d'un des serviteurs.

Il tourne dans ma tête...

« Qu'est-ce qui te préoccupe ? »

Momo est là, présence solide et apaisante.

« Je... je... »

« Prends ton temps. Ne t'inquiète pas. »

Je commence à lui parler de ce que je ressens, d'abord évasivement, sans bien trouver mes mots, puis au fur et à mesure ma langue se dénoue, aidé par sa sage écoute...

« Beaucoup de poids repose sur tes épaules, ma pauvre... Tu sais : tu n'es pas une demi-déesse, une héroïne épique, ou que sais-je encore ! Tu es une jeune fille courageuse, qui a choisi de s'atteler à une tache que personne auparavant n'avait voulu faire. Tu n'es pas parfaite et tu n'as pas à l'être. Tu as le droit de douter, d'avoir peur, de ne pas te sentir à la hauteur... Mais tu te dois d'essayer. Et ce, avec nous à tes côtés. Tu n'es pas seule, tu peux partager ta charge, tu n'as pas à porter cette croix seule. »

Son ton calme est une douce berceuse à mes oreilles. Il n'y a aucun jugement ni ordre dans ces mots... Juste les paroles d'une amie, qui me parle d'égale à égale.

C'est surement pour cela que je finis par lui parler du mystérieux regard.

Son expression se fait plus dure et préoccupée.

« ...Je vais finir par croire Katsuki, quand il dit que tu attires les ennuis, tu sais ? »

« Tu as une idée d'à qui il peut bien appartenir... ? »

« À ton avis ? Au dieu local. Le dieu des mers. »

L'ère des maudits - 4 - le Roi des abyssesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant