Chapitre 8 : histoire

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J'ai rapporté à mes amies ma vision.

Si Tsuyu savait que le Roi était un reptile, elle ne savait en revanche pas qu'il s'agissait carrément d'un dragon.

Après cela, j'ai pris ma décision : dès que nous aurons rencontré Deku, nous repartirons en vitesse au château de la Nuit, où nous pourrons aviser en sécurité !

Ce à quoi Kyoka a glissé : « Si Le Bestial ne te met pas au fer pour que tu arrêtes de lui filer entre les doigts et de te mettre en danger. »

« Ne parle pas de malheur, par pitié... »

Puis, une fois un petit déjeuné avalé, nous sommes enfin sortis à l'extérieur.

« Bon... Comment trouve-t-on le Premier, maintenant ? »

« C'est vrai que c'est étonnant que nous ne l'ayons toujours pas vu... »

« Parce que j'étais occupé, puis que j'ai eu la politesse de vous laisser vous reposer. »

Nous poussons à l'unisson un cri de souris surprise !

Le serviteur est là, vêtu du même manteau vert avocat que lorsqu'il m'était apparu dans ma chambre !

Tsuyu et Kyoka ont un mouvement de recul alors qu'elles le découvrent, et je lis sur leurs visages leur perplexité par rapport à l'allure frêle du bras droit du Roi.

« Bien dormi ? »

Je n'avais jamais capté un esprit comme le sien... Une forteresse.

« Oui, merci... Mais passons au vif du sujet, s'il te plait : tu m'as invité ici. Et maintenant ? »

« Maintenant, on va aller s'installer à une terrasse de bar, afin d'être au calme. Vous me suivez ? »

Et il nous ouvre la marche.

Les filles et moi échangeons un regard, puis je lui emboite le pas.

S'il nous avait voulu du mal, il l'aurait surement déjà fait.

Il nous guide jusqu'à un petit établissement, avec des tables et des chaises rouge écrevisse devant, donnant sur une place.

« Asseyez-vous, je vais commander à boire. Vous voulez quelque chose en particulier ? »

Nous partons toutes trois sur un jus de fruits, puis il s'en va nous chercher ça.

Demeurez seules, nous ne pouvons qu'attendre.

Et c'est comme ça que mon intérêt finit par aller se poser sur un grand-père, racontant des histoires à un parterre d'enfants attentifs.

« ...attristés par le caractère malfaisant des hommes, les amis se tournèrent alors vers des forces mystérieuses, qui leur octroya d'immenses pouvoirs, qu'ils mirent au service de leurs nobles desseins. Mais les habitants de l'ancien monde étaient trop bêtes ! Aussi, même ainsi, le quatuor ne parvint pas à les aider... ! De chagrin, ils se changèrent alors en monstre qui se distribuèrent le monde et punirent les mauvais hommes. Et nous, nous avons hérité de la bête des abysses. Cette terre, cet océan, nous avons dû le partager avec ce Roi. Mais par chance, celui-ci n'est pas aussi cruel que ses congénères. Non... Lui, il faut le voir comme un phénomène naturel : parfois, il est en colère alors il agite la mer, parfois il dort est l'horizon est calme et les poissons sont nombreux ! C'est la vie, mes enfants... Alors, jouons, rions, amusons-nous, profitons de la vie ! Et si vous n'êtes pas sage... Craque, le Roi enverra ses serviteurs vous grignoter les doigts de pieds ! »

Et le papi se met à taquiner les plus jeunes, qui s'enfuient en criant et gloussant joyeusement !

C'est décidément un pays bien différent des trois autres... Ils parlent de leur Roi comme d'un croquemitaine ou d'une grosse vague imprévue !

Tamaki m'avait évoqué cet état d'esprit, mais c'est autre chose que d'en voir une preuve...

Deku revient avec nos verres, pendant que lui s'est acheté ce que je devine être un alcool, à l'odeur.

« Bien... ! À présent, passons à la raison de votre venue... J'ai eu une vision de la Trame du destin, il y a... très longtemps... il y a deux ou trois cents ans, environ ? »

J'écarquille les yeux, stupéfaite. Est-il en train de dire avoir prévu mon arrivée depuis des centaines d'années ?! Mais quel est ce pouvoir ?!

« ...Je t'ai vu aller dans le château de mon seigneur, être face à lui... et lui parler. J'ignore totalement qu'elle est le sujet de cette discussion, cependant. »

« Attendez. Vous voulez qu'Ocacho se rende directement dans l'antre du plus dangereux des quatre Rois ? Mais vous êtes fou... ! » s'exclame entre ses dents Tsuyu, se retenant à l'évidence de crier sur le Premier serviteur !

« Je ne suis pas fou, moi. Le fou c'est mon Roi... Mais passons... Oui, c'est l'idée. Je l'emmène, je la fais rentrer, et je la conduis à l'Abyssal. »

« Elle va se faire tuer. »

« ...Le risque zéro n'existe pas, effectivement. Il y a une chance sur deux, je dirai. Mais je garantis qu'il sera en bonne disposition lors de la rencontre. »

Là-dessus, il porte son verre à ses lèvres, coupant court à la discussion avec l'ex-fille-grenouille, pour reporter son attention sur moi.

« Je... je ne sais pas... Cela ne me parait pas être une très bonne idée... Écoute, Deku, je vais y réfléchir... Je compte rentrer au pays de la Nuit pour échanger avec Katsuki et Shoto, d'abord, je voudrais avoir leur avis. »

« Katchan ne te laissera pas repartir si tu fais ça. D'autant qu'il pense que mon Roi est insauvable. »

« Il a dit ça, oui... qu'aucun des Rois ne peut être aidé... mais je suis persuadé que son opinion a évolué, ou que du moins je peux le convaincre ! »

Les doigts du garçon courent un instant sur la table sous le coup de son hésitation, puis il soupire.

« D'accord. J'ai attendu des siècles, je ne suis pas à quelques jours près. Mais ne tarde pas trop. Les Lames seront contre cette rencontre... »

À ces mots, je saute aussitôt sur l'occasion : « Qui sont-elles ? Des envoyés des dieux sensés punir les Rois, de ce que j'ai compris, mais peux-tu m'en dire plus ? »

« Keigo et Dabi. C'est comme cela qu'ils s'appellent. Ils sont les bras armés des dieux mécontents. Personne ne devrait avoir le droit d'user des pouvoirs divins. Leur rôle est de maintenir le monde dans la souffrance du joug des quatre amis. »

« Mais... pourquoi ? Pourquoi punir tout le monde comme ça ? Surtout aussi longtemps ! »

Il sourit tristement, perdant de sa joie de vivre coutumière.

« Car pour eux : c'est un jeu. Les dieux sont juges et maitres de tout. L'humanité ne les distrayait plus assez, je dirai... C'est cette vérité qui nous a brisés... »

Un grondement sourd nous parvient au loin.

Comme de la pierre que l'on détruit.

L'ère des maudits - 4 - le Roi des abyssesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant