Chapitre 6 : de dures souvenirs...

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Tamaki est parti après m'avoir adressé son inquiétant conseil.

Qu'est-ce que tout cela signifie ? Pourquoi était-il, apparemment, si effrayé par le Premier-serviteur ?

Izuku, ou plutôt Deku comme il veut être appelé, m'avait paru être quelqu'un de confiance et aucunement néfaste ! Mais à présent... je ne peux m'empêcher de douter de mon très arrière-grand-oncle...

« Ochaco... Qu'est-ce que l'on fait ? » m'interroge Kyoka, toujours aussi pragmatique pour trois.

Je réfléchis longuement, puis me tourne vers Tsuyu : « Est-ce que tu as des contacts dans le coin ? Tu m'avais dit qu'il existait des alliés à toi dans chaque pays... »

« J'en ai... Mais, dans leurs lettres, ils étaient du genre fataliste et peu impliqué... Je ne suis pas vraiment certaine qu'ils nous soient d'une grande aide, en admettant que l'on en trouve... »

« Je vais finir par croire que tu nous mythonnes sur ton réseau, tu sais ? » ironise Kyoka.

« Nous en rediscuterons demain matin, à tête reposée. » je tranche, décidant que nous allons rester, en dépit des mises en garde du Troisième serviteur.


*

Dans l'ombre du début de soirée, les mains dans les poches de son manteau ample, Deku jette un œil aux filles à travers la fenêtre, sans qu'elles ne le remarquent.

Il passera demain.

Il fait une moue boudeuse alors qu'il descend la ruelle. Occupé par le Roi, il n'a pas pu venir à leur rencontre comme il l'avait d'abord prévu.

La Trame ne montre pas tout, hélas.

Il bifurque soudain à angle droit, se retrouvant sur les quais.

Désert à cette heure, il n'y trouve que celui qu'il est venu y voir : Tamaki, assis sur l'extrémité d'un ponton.

« Tu aurais pu t'empêcher de leur faire peur comme ça, tu sais. »

L'autre sursaute, ne l'ayant pas entendu venir !

« Ocha' ressemble à ma sœur... Si tu la brusques, qui sait comment elle pourrait réagir ? Ura a tenté de tuer mon meilleur ami et homme qu'elle aimait... »

« ...Elle ressemble aussi à l'homme que, moi, j'aimais. » lui rétorque finalement le Troisième serviteur, une note agressive s'extrayant de son ton morne.

« ...Mirio, c'est ça ? »

« Oui. »

« Pardon. J'ai tendance à oublier... »

« Et tu l'as tué. Lui et ma meilleure amie. »

« Ah non, permets-moi de te détromper : ce n'est pas moi ! »

« ...Cela revient pratiquement au même... Et tu le sais... »

Un silence passe.

« ...Elle ne va pas partir. Elle est trop entêtée pour ça. »

« J'aurais tenté, au moins. Tant pis ! ...Dis-moi : tu l'as vu dans tes visions, n'est-ce pas ? »

« De longue date, oui, c'est vrai. »

« J'en connais un qui ne serait pas content... Et que va-t-elle faire ? »

« Honnêtement ? Je n'en suis pas certain. Je ne suis pas omniscient, très loin de là ! Je vois des choses, j'en devine d'autres... Si je savais tout, tu crois que nous en serions là ? »

« ...Non. Ni toi ni moi. »

« Non, effectivement. Tu serais mort de vieillesse comme un simple humain, je dirai, sinon. »

« L'Abyssal ne m'aurait pas transformé sur un coup de tête, tu veux dire. »

« ...Ce n'était pas si réfléchi ! Tu lui as rappelé nous... Avant. Avant... » il s'interrompt le temps d'une grimace amer, « ...avant qu'il ne sombre dans sa propre douleur. »

« Et que tu ne deviennes le Premier serviteur. »

« Tu comptes me refaire toute l'histoire ? »

Ses yeux sont soudain d'un malsain vert eau, sa part plus sombre à fleur de peau.

« ...Nan. Désolé. »

Le regard de Deku reprend des couleurs normales.

« Non... C'est moi qui suis désolé. Je n'aurais pas dû te parler comme cela non plus. »

« C'est ta tendance à pardonner aussi facilement qui t'en a mené là. » Lui fait remarquer Tamaki.

Mais son ainé ne lui répond pas, des écailles émeraude parsemant sa peau, avant qu'il saute à l'eau, dans laquelle il se met à marcher tout droit, s'enfonçant progressivement dans la mer, sa queue reptilienne battant au creux de ses reins.

« ...J'aimerai te comprendre davantage, quelquefois... » murmure le Troisème, resté seul.

Il sort de sa poche un carnet aux pages cornées, qu'il ouvre au hasard.

Un dessin s'étale sur le papier, représentant un garçon à la houppette dressée vers le ciel et aux yeux rieurs.

« ...Comme Mirio aurait aimé te connaitre, s'il avait pu... »

L'ère des maudits - 4 - le Roi des abyssesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant