Chapitre 3 : le pays de la mer

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Après quelques jours de voyages, nous arrivons enfin aux pieds d'imposantes montagnes, et plus exactement : à un large espace vert qui borde un lac, ponctué de pontons d'embarquements où se battent en duels trois vieux bateaux épais...

À proximité, un trio de deux hommes et une femme sont allongés dans l'herbe, occupés à la très prenante activité de se la couler douce.

« Bien le bonjour messieurs et dame, je souhaiterais retourner au pays ! » s'exclame sans attendre notre conducteur.

Le plus massif se redresse pour le considérer de ses petits yeux.

« Je vais m'en charger... Qui sont ces filles, Danjuro ? »

« Je suis leur chauffeur temporaire. On m'a demandé de les transporter de l'autre côté ! »

« D'accord. Suivez-moi. »

Le passeur se dirige vers le large bateau lui appartenant, sur lequel il guide la carriole, avant de nous autoriser à monter.

« Vous avez déjà fait la traversée, mesdemoiselles ? »

« Non, jamais... »

« Dans ce cas, préparez-vous à un sacré spectacle ! L'autre côté du canyon a été sculpté par de véritables artistes. »

Sur le moment, je ne comprends pas, mais ne pose pas de questions.

À la place, je m'allonge une nouvelle fois dans un coin, pour somnoler le temps du trajet que l'on m'a averti être long.

Entre mes émotions et mon passage au pays de la Nuit qui a dû détraquer mon horloge interne, je tombe étonnamment vite dans le monde des songes, malgré la sieste que j'avais déjà faite dans la carriole.


Le lézard s'enfonce lentement dans l'eau glaciale.

Malgré la menace de la mort, il ne se débat pas.

C'est si calme, ici... tellement loin du bruit et des tracas...

Une forme sombre se détache de l'obscurité. On dirait une coupe.

Le petit reptile atterrit doucement dessus.

Dans la léthargie de l'absence d'oxygène, il ne bronche pas vraiment.

Que lui importe cet objet, aux portes de l'enfer auquel il se pense destiné ?

Il sait qu'il était venu chercher une coupe en ces lieux, justement... mais il n'a plus les forces nécessaires pour réagir... ni l'envie...

Pourtant il s'en saisit mollement, comme habitué par un réflexe ou une ultime étincelle de vie.

« Que désires-tu ? »

La voix sans âme murmure à son oreille, sans qu'il ne soit bien sûr de ne pas avoir halluciné.

« Je souhaite... »


J'ouvre les paupières, agressée par un rayon de lumière qui perce à travers les ombres.

Et en levant les yeux, je découvre un spectacle fantastique... !

Je n'avais pas osé questionner le passeur sur les sculptures du canyon, et bien m'en a pris : car j'aurais probablement regretté de m'être fait spoiler de tels monuments !

En effet, après un temps infini entre les oppressantes parois rocheuses, ce qui dévoile, à la lueur d'un soleil de début d'après-midi, d'immenses statues !

Au nombre de trois, elles figurent de colossaux reptiles ailés, dont les têtes cornues nous observent de leurs grands yeux froids !

« Ah ouais, il parait que ça fait toujours cet effet la première fois qu'on les voit ! » me lance le passeur, devant mon effarement respectueux.

« Pourquoi trois ? » lui renvoie Kyoka, pour sa part, « Pourquoi pas quatre, par exemple ? Deux de chaque côté, je veux dire... »

« Pour représenter les Trois-serviteurs. » lui répond la fille qui accompagne notre conducteur, « Vous n'êtes pas du coin, donc vous l'ignorez : mais notre Roi a trois sujets le servant particulièrement. Ils sont le tampon entre lui et nous. Sans eux, pour sûr, il y aurait bien plus de raz de marée et beaucoup moins de poissons dans les filets ! »

Je pâlis. Des... raz de marée ? Oh non... Dans quel pétrin nous ai-je encore fait foncer... ?

Non... Deku ne nous aurait certainement pas fait venir s'il ne s'était pas sut en capacité de garantir notre sécurité.

De part et d'autre de l'embarcation, les rives commencent à s'éloigner progressivement.

Lentement mais surement, le large bras d'eau se change en grosse rivière, puis un affluent, puis...

Je découvre la mer.

Immense étendue d'un bleu limpide et sans limites, qui se perd loin à l'horizon !

La plus grande concentration d'eau que j'ai jamais vue et que je ne verrai surement jamais !

C'est une chose de l'observer dessiner sur une carte... c'en est une tout autre de la découvrir en vrai !

C'est... indescriptiblement beau.

Tsuyu et Kyoka sont aussi subjuguées que moi.

Ni l'une ni l'autre n'avaient jamais rien vu d'autre que leurs propres pays...

Or ce qui s'offre à nos regards est plus grand que tout autre chose...

La Forêt, comme les montagnes de la Colère, pourraient être contenue entièrement dans tout ce bleu...

Notre esquif, je ne peux que la qualifier qu'ainsi désormais, tellement elle me parait petite en comparaison du panorama, se déporte progressivement vers une série de pontons que je ne remarque que maintenant.

« Et... nous sommes arrivés ! » s'esclaffe le passeur, une fois que nous sommes arrimés.

Ce sont ces mots qui achèvent de me sortir de ma torpeur hypnotique.

Mes amies à ma suite, je redescends à terre, remerciant nos deux successifs conducteurs.

...Nous voici sur les terres de l'Abyssale, ça y est.


*

Ses cheveux blancs dégoulinants, le garçon se tracte sur la terre ferme.

La grotte marine répercute en éco ses grognements, tout en lui faisant parvenir ceux des locataires des lieux.

Ne portant qu'un pagne, il progresse à pas patauds à travers le long couloir.

Au bout se trouve une grande caverne. C'est là-bas qu'il se rend.

« Les Larbins doivent avoir faim... »

L'ère des maudits - 4 - le Roi des abyssesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant