Chapitre 5

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Blanche

L'air frais matinal transperce mon manteau. Tous les matins depuis huit jours je me rends à la galerie.

Je passe souvent ma matinée à organiser le vernissage et l'exposition avec Tiana. Elle prépare les invitations tandis que je me charge de contacter les différents partenaires, journalistes et traiteurs. Joséphine, elle, vient quand elle peut à cause de ses cours.

Et l'après-midi je me balade dans Paris afin de remplir ma pellicule de nouveaux clichés que ma meilleure amie pourra rendre plus loufoques que les précédents.

Je marche, donc, sur le trottoir, mes écouteurs vissés sur les oreilles. Même si les années passent je reste la même. La bande originale de Titanic me berce alors que je traverse sur un passage piéton arc en ciel, typique caractéristique du Marais. Je me souviens que Joséphine avait participé à la coloration de ces passages cloutés, c'était sa fierté. Mais aussi la mienne !

J'arrive doucement mais surement sur la place de Vosges et je m'engouffre dans la galerie de mon amie. Mais quand je pousse la porte en verre, seulement quelques statues, un bureau d'accueil vide et les grandes tentures sur les murs m'accueillent.

— Hello ! Il y a quelqu'un ?

Personne ne me répond. J'ôte mon écharpe et je file déposer mes affaires dans le petit cagibi à l'arrière, Tiana l'a aménagé en chambre noire quand nous avons commencé à parler de cette exposition. Seule la lumière rouge permet de me guider vers le porte manteau.

Je fouille les autres pièces de la galerie d'art, l'atelier dissimulé dans la réserve, la petite cuisine et les toilettes. Mais personne ne semble présent ici. Je décide de patienter encore cinq minutes avant d'alerter toute la planète de l'absence de Tiana. Je me dirige donc vers la console et sors mon ordinateur de sa pochette. Je commence à trier mes mails et je m'occupe de mon compte Instagram qui ne cesse de grandir mois après mois. Et même si mon nom d'artiste me ramène inconditionnellement à lui, je ne peux me résoudre à en changer.

J'emporterais le nom de Blanche Lenoir dans ma tombe.

Je réponds à quelques commentaires et messages privés, chaque nouvelle conversation que j'ouvre me mets du baume au cœur. Les personnes qui me suivent sont relativement jeunes, et nous avons les mêmes centres d'intérêts. Certaines de mes abonnées sont même devenues mes copines. Il ne se passe pas une journée sans que je reçoive un message qui l'égayera. Ce compte m'a littéralement sauvée lorsque j'étais au plus bas, et ça m'émeut énormément de m'en rendre compte.

Une dame entre accompagnée d'une jeune fille et je leur souris tout en leur laissant faire un tour. J'ai toujours détesté qu'on me saute dessus quand j'entre dans un commerce. Surtout quand il s'agit d'art. Quand une œuvre vous transperce, qu'importe son prix, vous sentez un besoin irrationnel de la posséder. Ce genre de coup de cœur n'arrive pas tous les jours, c'est comme l'amour, la vrai, quand ça nous tombe dessus il faut le chérir pour le restant de ses jours qu'importe ce que cela va nous coûter. Parfois c'est notre cœur, notre corps, notre confiance en l'être humain. Personnellement, l'aimer m'a coûté bien plus que tout cela... ce n'est pas l'amour qui m'a détruite, c'est sa perte.

Les minutes défilent et je me perds dans mon travail. Les cinq minutes que je m'étais fixées avant de contacter Tiana se transforment en quarante. Je suis une piètre amie. Je m'empresse d'attraper mon téléphone et remarque les messages de la disparue qui me demandent si je suis arrivée à la galerie.

Blanche : Oui et heureusement ! On t'a enlevée ou quoi ?

Tania : J'arrive ! Je suis allée chercher une copine à la gare. J'avais pourtant demandé à Jeremy de garder un œil sur la galerie.

Les maux dits IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant