Chapitre 6

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Blanche

Mon téléphone vibre dans ma poche, et c'est un appel FaceTime de Joséphine. Je décroche et la petite tête blonde de mon fils apparait à l'écran. Ma meilleure amie court après lui dans le parc.

— allo maman !

Sa petite voix fluette me donne le sourire. Mon cœur bat un peu plus vite en le voyant. Je l'aime si fort.

— Oui mon amour. Comment tu vas ?

— C'est tata Jo qui est venue me chercher à l'école, me dit fièrement la prunelle de mes yeux. J'ai pris son téléphone pour te voir. Tu me manques maman.

Mon cœur se serre, mais je n'ai pas le temps de répondre. Ma meilleure amie arrive en courant derrière mon fils et rattrape le téléphone.

— Plus jamais je ne garde ta petite terreur ! me lance Joséphine essoufflée. Attend une seconde.

Elle me fait patienter, prend la main de mon fils et les deux vont s'asseoir sur un banc. Une fois correctement installés elle me reprend.

— Alors comment s'est passée ta journée ? me demande-t-elle.

— Bizarre, tu ne devineras jamais qui a fait son 'come-back'...

— Vu ta tête ce n'est pas Roméo. Je sais pas...

Je la réprimande du regard et lui fais signe de ne pas prononcer ce nom à côté de mon fils.

— Roh ça va, il est plus occupé à mater les fillettes à la balançoire.

— Eeeeeeh, réplique Victor. Je mange juste mon gouter moi !

Je lui souris tendrement puis reporte mon attention sur Joséphine.

— C'est Charline.

— Mais non !

— Si. Elle revient s'installer à Paris avec Jules. C'est compliqué mais en gros...

Un mec me bouscule, ou peut être que c'est moi qui le bouscule. Dans cette ville on ne sait jamais vraiment qui est en tort. Je m'excuse rapidement sans même le regarder et reprends ma course mais aussi mon explication.

— ... Charline est partie en road trip après le décès de sa meilleure amie, tu t'en souviens de ça ?

Joséphine hoche la tête alors je poursuis mon récit. Ce dernier est uniquement basé sur ce que Charline a bien voulu me raconter durant notre repas.

— Elle a rencontré Tiana il y a trois ans. Quand avec Jeremy ils vivaient encore en Normandie et qu'elle tenait cette petite galerie d'art au Havre. Charline est entrée et a craqué pour le travail de Jeremy. Ils se sont vus plusieurs fois par la suite. Les filles sont toujours restées en contact. Et Tiana a donc invité Charline pour notre expo. Elle a immédiatement accepté en reconnaissant nos noms... C'est les grandes lignes.

— Bordel. Le monde est petit... murmure-t-elle avec son air penseur.

— C'est ce que je me répète depuis tout à l'heure.

— C'est qu'il ne doit pas être loin lui aussi... glisse-t-elle tout en jouant des sourcils. Tu devrais le chercher. Même pour Vivi.

Je m'apprête à la réprimander d'encore parler de lui mais elle coupe court à la conversation avant que je ne puisse en placer une.

— Bon je dois te laisser, ton fils me demande d'aller draguer au toboggan. Bisous Poulette.

Mon écran noir me fait un beau doigt d'honneur et j'insulte mentalement ma meilleure amie.

Je finis enfin par arriver dans le hall de mon immeuble. Le froid est agressif alors je plonge mes mains dans les poches de mon manteau afin de me réchauffer un peu. Ma main droite frôle quelque chose dans ma poche. C'est étrange, je n'ai pas le souvenir d'avoir mis un papier à l'intérieur... mes doigts s'enroulent donc autour du morceau cartonné et ressortent avec ce qui ressemble à des places de musée.

Deux places sont attachées entres elles. Le papier est jauni et l'encre presque effacée. Je fronce les sourcils et approche l'objet de mes yeux afin de mieux l'observer. Des places pour le Musée du Louvre.

Une sorte de panique monte en moi. Mais les frissons m'envahissent vraiment quand la pulpe de mes doigts sent le relief d'une écriture au stylo bille. Les places sont datées du mois d'octobre d'il y a cinq ans. Mon souffle se coupe. Je déplie la place et y découvre une inscription.

« La vraie œuvre d'art ce jour-là, c'était toi Miss Béret »

C'est ce qui est écrit, de cette calligraphie que je ne connais que trop bien. Rien n'avait été inscrit sur nos billets. L'encre semble fraiche. Je suis complètement paumée. Un sanglot se bloque dans ma gorge et finit par éclater, résonnant dans tout le hall d'entrée.

Les larmes me montent aux yeux et je laisse tomber le bout de papier. Il tombe au sol en virevoltant comme une plume.

Comment est-ce possible ?

C'est lui, c'est forcément lui. Personne d'autre ne m'appelle ainsi. Ces places je les gardais précieusement dans cette maudite boite qu'il a emportée avec lui. Je lui en ai voulu pendant des mois. Cette valisette c'était tous nos souvenirs. Et même ça, il ne le l'avait pas laissé.

Mon souffle se calme. Mais avec mes retrouvailles avec Charline et cette découverte mon corps commence à manifester un trop plein d'anxiété. Je sors mon téléphone.

Je sais. Je le sens.

Il est revenu. Et il sait où je suis.

Blanche : je ne veux pas de nouvelles de lui Joséphine. Mais je crois que c'est trop tard.

Joséphine : « j'ai connu une fleur. J'ai aimé cette fleur. J'espère que ma fleur n'est pas fanée. J'espère qu'elle est plus belle, épanouie et resplendissante. Elle mérite meilleur fleuriste que moi »

Je ne comprends pas vraiment son message. C'est un poème tiré de mon recueil préféré, celui qui m'aide chaque jour depuis des mois.

Et je rentre chez moi encore plus perturbée qu'avant. 

Les maux dits IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant