Chapitre 34

62 10 5
                                    

Blanche

J'aurais espéré que ce jour ne se lève jamais sur Paris. J'aurais aimé me réveiller dans cette vieille maison italienne, le soleil caressant ma peau et les rires de Victor et Jules résonnant dans la pièce à vivre.

Mais je suis seulement assommée par le poids de ce jour.

Je tends le bras en travers du lit et je ne touche que les draps froids et froissés. J'entrouvre mes yeux et je devine la silhouette de Roméo sur mon petit balcon. L'humidité du mois de mars commence à s'infiltrer dans la pièce. Je me redresse, m'étire et finit par enfiler le premier vêtement qui traine au sol, le tee shirt que Roméo portait la veille. Je me lève et me dirige vers le torturé. Il ne m'entend pas arriver. Cela fait des jours qu'il vit dans le silence et aujourd'hui ne déroge pas à la règle.

J'aimerais l'aider.

J'aimerais tellement l'aider.

Mais il s'enferme dans une tristesse qui ne semble pas le laisser remonter à la surface.

J'ouvre franchement la fenêtre et entoure la taille de Roméo de mes bras. Il est torse nu et grelotte. Il est complètement fou d'oser sortir sans pull alors qu'il fait seulement un peu plus de zéro degré. Je dépose un baiser entre ses omoplates et il attrape mes mains. Sa tristesse ne l'a pas délesté de sa tendresse. Ses doigts viennent caresser le dessus des miennes.

— Tu meurs de froid Roméo, rentre, je murmure alors que je sens son cœur battre contre mon oreille.

Je n'aurais pour réponse qu'un grognement qui fait trembler son torse un peu plus fort et qui s'envole rapidement vers le ciel.

— ­Je... Je vais déjeuner. Je vais te préparer un...

Je ne finirais jamais ma phrase. Roméo ne m'écoute pas, je ne sais même pas s'il me prête attention.

Aujourd'hui je peux lui pardonner. Passer au-dessus de ce silence.

Surtout aujourd'hui.

A contre cœur, je fais demi-tour, enfile des vêtements plus chauds et sors de cette chambre à l'ambiance pesante. Je longe le couloir et ouvre la porte de Victor, il dort à points fermés, la bouche grande ouverte et la couette à moitié par terre. Je me dirige donc à pas de loup vers le coin jour de l'appartement.

Ma mère se tient debout dans la cuisine, elle aussi semble pensive. Je me racle la gorge et elle se retourne vers moi. Elle s'approche et vient me prendre dans ses bras. Et je ne sais pas si c'est son odeur de maman, la douceur de la peau de ses mains ou sa voix qui me murmure que tout va bien se passer, mais j'éclate en sanglots.

Tout m'oppresse depuis que Jules n'est plus là.

Le comportement de Roméo.

Devoir garder la face pour Victor.

Ne jamais pleurer pour ne pas donner le mauvais exemple.

Mais aujourd'hui ma gorge lâche enfin cette boule qui l'étouffait depuis des milliers de secondes.

— Je sais que c'est dur ma chérie, mais tout ira mieux. Tu es là, en sécurité.

— En sécurité ? je demande tout en reniflant comme une enfant.

— Je veille sur toi.

Cette douce remarque parvient à me tirer un sourire mais je ne parviens pas à sécher mes larmes.

— Je sais maman, mais ça ne suffit pas.

Elle attrape ma main et noue ses doigts avec les miens. L'odeur du café qui coule dans la cafetière italienne commence à se répandre dans l'air et le soleil vient caresser le parquet.

Les maux dits IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant