Chapitre 12

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Blanche

Mon fils court. Il court vers son père.

Et vers Martin.

Mon monde est sur pause et mes jambes tremblent. Martin et Roméo se tiennent là, côte à côte. C'est comme un mirage, un putain de cauchemar, je cligne plusieurs fois des yeux pour le faire disparaitre. Mais il est bel et bien là. Se tenant droit comme un piquet aux côtés de Martin.

Qu'est ce qu'il fout ici ?

Depuis des années, j'ai toujours l'impression de le voir partout. Il hantait chaque coin de rue. Chaque souvenir. Il était au fond de la salle de chacun de mes spectacles. Dans chaque recoin de ma chambre. Il errait dans les couloirs de la galerie. Je l'imaginais flânant devant ma bibliothèque tout en caressant le dos de mes livres préférés. Je l'imaginais à mes côtés lorsque les premières nuits de Victor furent compliquées.

Alors à sa vision je ferme les yeux fort, comme j'avais l'habitude de le faire au cours de ces dernières fois. Et je compte jusqu'à trois.

1. 

Je serre les paupières. 

2. 

Je vois des étoiles. 

3. 

J'ai mal aux yeux et la lumière m'aveugle quand je les ouvre. 

Mais cette fois il ne disparait pas. Car ce n'est tout simplement pas une illusion. Roméo se tient là. En chair et en os. Avec sa mèche rebelle et ses yeux perçants. Il est beau comme un dieu. Solide comme un roc. Son regard bleu me transperce comme jamais il ne l'avait fait. Puis il regarde cet enfant se diriger vers Martin. Son fils.

Celui dont il ne connait pas l'existence.

Et je sens que le sol se dérobe sous mes pieds. J'ai envie qu'il se fissure. J'ai besoin de sombrer dans les limbes, et de ne jamais en revenir. Je suis dans mes Enfers personnels. Cette journée a commencé avec un cauchemar, mais visiblement je ne me suis pas bien réveillée.

Joséphine sort de la voiture. Elle se tourne vers moi pour récupérer son bouquet que je suis en train de broyer entre mes mains. Sans m'en rendre compte, je serre les fleurs avec une intensité dont je ne me connaissais pas capable. La sueur perle sur mon front, l'angoisse se faufile dans mon âme. Mon souffle est irrégulier et ma vision se trouble.

Victor est là, face à cet homme qui constitue sa moitié mais dont il n'a jamais vu une seule photo.

Son père.

Ils se ressemblent tellement que ça me tord les entrailles. Victor est le portrait craché de son Roméo. Ses yeux bleu océan, ses cheveux blond foncé. Il ne tient de moi que les centaines de taches de rousseur qui parsèment son visage. Cet enfant est le parfait mélange d'un amour désormais poussière.

Roméo le fixe. Son regard oscille entre mon fils qui serre la jambe de Martin. Et moi. Plantée comme un putain de lampadaire à côté de cette voiture. Il doit penser que c'est le fils de Martin. Mais s'il ouvrait un peu mieux les yeux il comprendrait dans la seconde.

Joséphine s'approche de moi. Elle est dans l'euphorie du mariage et n'a toujours pas remarqué l'intrus qui se trouve à quelques mètres.

— Bon dieu Blanche. Ne reste pas plantée là... s'affole-t-elle alors qu'elle vérifie si sa couronne de fleur tient bien en place. Il faut que je vérifie si tous les invités sont installés dans la...

— C'est toi qui l'as invité ? Je la coupe.

Ma voix est aussi tranchante qu'un couteau que l'on vient d'aiguiser.

Les maux dits IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant