Roméo
Je lui ai menti.
J'ai encore un secret pour elle.
Et ça me bouffe depuis des jours.
Callum est sorti de prison et erre dans la nature. Et même si depuis l'incident du hangar, tout m'a l'air calme, je reste sur mes gardes.
Le bout de ma cigarette se consume quand j'aspire cette dose de fumée qui va combler et malheureusement apaiser l'angoisse qui coule dans mes veines.
J'ai parlé à Louis du retour de Callum. Il m'a dit de ne pas m'en faire. Qu'il faut que je reste loin des combats. Loin de cet homme qui veut ma mort depuis le début. Parce qu'un Callum ne peut que cacher un Léandro.
Blanche a plutôt bien réagit quand je lui ai dit pour Louis. Je pense qu'elle s'en doutait depuis toujours. Elle ne l'a pas encore revu en une semaine, mais elle m'en parle beaucoup. Je crois qu'elle commence à le voir comme un allié. Elle m'a confié l'admirer pour avoir réussi tenir tête à leur père alors qu'il n'était encore qu'un adolescent.
Malheureusement, j'arrive trop rapidement à la fin de mon bâtonnet de tabac. Je lance le mégot dans la poubelle juste à côté de moi et m'approche de l'entrée du cabaret.
Blanche m'a demandé de venir la chercher après son show de ce soir. C'était son dernier de l'année. Elle est désormais en vacances jusqu'à la mi-janvier. Et demain nous fêtons Noël ensembles. Pour la seconde fois.
Les derniers Noël étaient bien tristes.
Le premier, je l'ai passé en Angleterre avec Granny. Mais je ne supportais pas de rester dans cette maison emplie de souvenir. Alors j'ai pris mes affaires et je suis parti dès que le vingt six décembre à pointer le bout de son nez.
Le second et le troisième, je les ai passé en Espagne accompagné de Jules et Louis. Mais là encore je ne supportais pas que mon cœur soit séparé en deux. Alors je noyais ma peine dans des litres de vin et de bourbon.
Le quatrième, j'étais seul. J'étais une loque et je ne souhaitais pas pourrir le moment festif des proches qu'il me restait.
Et le cinquième... je n'en ai aucun souvenir. Tout ce que je sais c'est que j'étais en train de sombrer droit vers le fond. C'était l'année de solitude de trop. L'année de souffrance de trop. Le naufrage de trop.
Alors c'est à ce moment précis que j'ai décidé de revenir en France.
C'est cette année-là, que j'ai su que j'allais retrouver Blanche. La reconquérir. Et passer le reste de ma vie avec elle.
Je patiente donc devant le Paradis Latin. La nuit fraiche de décembre fouette mes joues et le vent glacial me fait comprendre que je ne vais tenir très longtemps en extérieur. Je frotte mes mains entre elles et fixe l'entrée des artistes. Le public est sorti depuis pas mal de temps. Les vigiles sont en train d'abaisser les grilles de l'entrée principale, et comme je ne vois pas Blanche arriver je tente le tout pour le tout.
— Excusez-moi messieurs...
Le plus costaud des deux me dévisage et hausse un sourcil.
— J'attends la chanteuse, Blanche Giordanno. Vous savez si elle est toujours à l'intérieur ?
— Vous êtes monsieur Lenoir ? demande le second vigile.
J'acquiesce d'un signe de tête.
— Entrez. Elle nous a dit qu'elle vous attendez sur scène.
Je suis surpris au premier abord mais le froid me pousse à entrer. Je les remercie avant de m'avancer dans le cabaret. Je n'ai pas vraiment de mal à me repérer, je suis déjà venu il a quelques semaines. Mais ça, Blanche ne le sait pas.
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Les maux dits II
Romance« Est-ce que quelqu'un peut dire à mon cœur de se calmer ? A mon corps de bouger ? A mes lèvres de se desceller ? A ce con de Roméo de parler ? -Miss béret... » Cinq ans. 60 mois. 4380 jours. Toutes ces années, c'est ce qui sépare Blanche...