Roméo
Cela fait des années que je n'ai pas fait ce chemin, pourtant mes anciens reflexes sont encore là et je conduis de manière automatique.
Je jette un œil dans le rétroviseur intérieur, Blanche se trouve à l'arrière de ma voiture et elle tient fermement Victor contre elle. Notre regard s'accroche quelques secondes avant que je ne sois obligé de reposer le mien sur la route.
Je tourne à droite et arrive dans sa rue, leur rue. Cette rue dans laquelle je suis venu mainte fois de manière clandestine. Je me souviens de mes jambes qui tremblaient quand je venais en courant, alors que je traversais la moitié de la ville. Je ris quand je repense aux échelles de fortunes que j'ai dû gravir... cette époque où j'étais prêt à tout par amour.
Pour elle. Seulement pour elle. Toujours pour elle.
Je me gare en face de la porte massive et éteins le moteur.
— Nous y sommes ! je lance d'une voix joyeuse malgré la mélancolie familière qui s'est emparée de moi.
Blanche jette un coup d'œil à sa montre puis se détache. Elle attrape Victor par la main et le fait sortir en vitesse. Je ne peux pas décoller mon regard d'elle. Voir cette complicité et cet amour entre eux me donne des frissons. Et même si une certaine amertume me saisit dès que je pense à tout ce que j'ai raté, je ne peux m'empêcher de sourire.
Victor se dirige vers moi et m'attrape par la main. Le regard de Blanche s'adoucit, et elle ose enfin croiser le mien.
— Je ne sais pas comment te remercier. Tu me sauves vraiment...
Je m'approche d'elle et à défaut de pouvoir l'embrasser, je passe mon bras au-dessus d'elle et lui attrape son béret. Elle se retourne vers moi et je lève le bras. Comme il y a cinq ans, elle est trop petite pour l'attraper. Un rire mélodieux s'échappe de la bouche de Victor et Blanche elle commence à sauter pour attraper son bien. Mais bien trop rapide, je le glisse dans ma poche arrière.
— Eh !!
— C'est pour être sûr que tu reviennes me voir.
Un éclair de nostalgie traverse son regard. Nous savons tous les deux que nous avons déjà vécu cette scène. Le temps se suspend quelques secondes avant qu'elle ne reprenne le fil de ses pensées.
— Tu détiens mon fils, bien sûr que je reviendrais !
Elle lève les yeux au ciel et Victor sautille vers la porte. Nous nous dirigeons, à notre tour, vers la porte. Pendant que nous montons Blanche m'explique les bases de ce que je vais devoir faire cet après-midi mais également ce soir. Je l'écoute d'une oreille distraite. Revenir ici me fait quelque chose et c'est indéniable.
— Je vis chez ma mère depuis quelques semaines. C'est provisoire le temps que je trouve un appartement. On vivait chez Martin avant, tu sais juste en dessous.... Mais depuis que l'on s'est séparés... et bien cet endroit fera l'affaire ! Et puis elle est souvent en Bretagne, son nouveau compagnon vit là bas...
Un rire poli m'échappe, mais ses paroles me déstabilisent plus qu'elle ne le pense. Quand elle ouvre la porte, rien n'a vraiment changé. Les mêmes meubles ornent le hall d'entrée. La même arche donne accès à la pièce principale et le même couloir interminable appelle les visiteurs sur la gauche.
— Ok. Il va falloir que j'y ailles. Je serais de retour vers deux heures du matin. Tu peux dormir ici si tu veux... la chambre de ma mère est libre.
— Wow, je ne pensais pas que tu rentrais si tard.
— Ouais c'est un rythme à prendre... Mais bon j'adore ce travail et ce n'est que le week-end.
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Les maux dits II
Romance« Est-ce que quelqu'un peut dire à mon cœur de se calmer ? A mon corps de bouger ? A mes lèvres de se desceller ? A ce con de Roméo de parler ? -Miss béret... » Cinq ans. 60 mois. 4380 jours. Toutes ces années, c'est ce qui sépare Blanche...