Chapitre 20

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Blanche

Les hurlements jaillissent du hangar. Je me retrouve face à cet immense bâtiment fait de taule et de rafistolage. Je me sens minuscule face à l'immensité de l'horreur. . J'ai l'impression que chaque morceau de taule qui le compose va m'assommer. Que chaque tuile abimée va me tuer. Que chaque cri qui s'échappe de cet endroit va briser mon cœur.

Je sais ce qu'il se passe à l'intérieur de ces endroits. Je sais que le sang coule. Que l'argent circule comme des tracts à la sortie d'une station de métro. Et les souvenirs m'enivrent. Je me retrouve projetée cinq ans auparavant. Et mes mains commencent à trembler. Mon cœur s'affole et mes paupières tremblent sous l'humidité qui les emplit.

Je me revois dans cette pièce aussi grande qu'un placard. J'étais entourée par cette odeur de sueur, et le noir. J'avais froid, mais dès qu'il avait posé ses mains sur moi, je me sentais enfin bien. Je me revois le supplier de ne pas partir. De ne pas combattre. Puis je suis tombée dans le noir. Je me revois ouvrir les yeux et être assaillie par l'odeur typique des hôpitaux.

Il n'était plus là.

Mon dos heurte le coffre de la voiture et je plie sous le poids de ces souvenirs. Je me laisse glisser le long de la carrosserie et regarde ce hangar qui renferme le paradis de mes pires cauchemars.

Louis claque sa portière et accourt vers moi quand il me trouve au sol.

— Blanche, ça va ? dit-il avec une certaine angoisse dans sa voix.

— Non.

Mon ton est froid. Dur. Rien avoir avec la faiblesse qui coule dans mes veines. Au fil du temps j'ai appris à camoufler les émotions.

— Reste dans la voiture, je vais le chercher.

Je ne lui réponds pas et reste stoïque. Le regard fixé sur cette porte déglinguée par le temps. Quand il s'avance en direction de la porte, je me mets à hurler. Je ne contrôle plus rien. Juste des cris. Je vomis ma peur. Je veux qu'il m'entende. Qu'il sache que désormais, il ne pourra plus me fuir.

— Blanche tu me fais peur. Retourne dans la voiture s'il te plait, s'affole Louis. 

Il commence à m'attraper le bras pour m'aider à me relever. Mais je suis un poids mort.

Morte.

C'est ce que j'ai l'impression d'être depuis que la voiture est garée sur ce putain de parking.

Il tire un peu plus fort sur mon bras et je tourne violement la tête vers lui. Mais je ne vois plus Louis. Il me fait mal, et je suis immédiatement replongée dans mon pire cauchemar. 

Je vois des yeux gris-vert foncé, presque noirs. Je vois des sourcils froncés et durs. Je vois une bouche qui s'abat sur la mienne alors que je crie. Il veut me faire taire alors que je m'affole.  Je l'entends me dire de ne pas le répéter. Que c'est normal mais que je ne pourrais pas le dire. Parce que sinon, il recommencera.

Parce que sinon, mes parents me détesteront. 

Parce que sinon, il fera pareil à ma soeur. 

Parce que sinon, il pourrait finir en prison et bousiller ma vie. 

Je ne vois plus son simple tee-shirt et son jean, mais un costume trois pièces gris acier. Je vois un homme de quarante ans qui abuse de sa force alors que je n'en ai que quatorze. Alors je me laisse faire et perd le contrôle de mon corps. 

La nausée s'empare de ma gorge. Cela fait des années que je n'avais plus revécu ce moment de ma vie.

Sentir la main ferme de Louis autour de mon bras me fait paniquer. Tout ceci n'était qu'hallucinations. Et je suis encore plus tétanisée. Je suis consciente que je suis au sol, que la terre frôle mes vêtements et la peau de mes mains. Et Louis qui me tient.

Les maux dits IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant