Chapitre 36

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Blanche

Quelques heures plus tôt...

La galerie est bien calme cet après-midi. Tiana est sortie avec Jeremy pour sa pause déjeuner et a fini par me laisser seule tout le reste de la journée. J'ai donc profité de ce moment de solitude pour m'isoler dans ma chambre noire. Je me sens bien dans cet endroit où les vapeurs chimiques des produits finissent par me rendre confuse. Le silence règne et seule l'ampoule rouge me tient compagnie. Je grignote quelques biscuits tout en regardant mes clichés italiens.

Petit à petit je parviens à développer ses photos qui respirent la liberté et la joie.

Petit à petit je parviens à affronter le visage de Jules à jamais figé dans ses derniers instants.

Une photo me touche particulièrement. J'ai immortalisé les sourires des deux frères le soir de notre mariage. C'était sur le parvis de l'église, alors que nous nous faisions discret. J'ai développé la pellicule de ce jour si spécial. Même si nous nous sommes officiellement unis en France, c'est cette soirée que je considère comme mon réel mariage. Cette image est précieuse et je compte l'offrir à Roméo. J'étends donc la photo afin qu'elle sèche et me promet de la prendre avec moi en partant.

Interrompue dans mon activité par la clochette, je sursaute. Il est presque dix-neuf heures, je ne m'attendais pas à un visiteur. Habituellement, plus personne ne se présente spontanément après dix-sept heures.

— J'arrive ! je lance alors que je referme la porte de la chambre noire derrière moi.

Je m'empresse d'arriver dans l'entrée, mais ce que j'y vois me glace le sang. Mon père se tient devant l'entrée et un autre homme me tourne le dos. Je sais qui il est mais je ne veux pas l'admettre.

Louis ne peut pas nous avoir trahi de cette manière.

Mia figlia, murmure mon père.

La colère me ravage de l'intérieur et les larmes me montent aux yeux. Mais cette fois ci, je ne pleurerais pas. Cette fois ci je l'affronte. Cette fois-ci Roméo ne sera pas impliqué.

Louis se retourne et son regard me désarme. Il est si différent. Ses yeux noirs identiques à ceux de notre père me foudroient. Son corps est tendu et ses mains jointes sous son ventre. Il se tient droit, son regard noir me désarme. Alors j'ignore mon père et m'approche de celui que j'avais appris à aimer ces dernières semaines. 

— Tu... je m'adresse directement à mon frère.

Je pointe mon index sur son torse. Je le sens rire sous la pulpe de mon doigt. Moi je ne vois plus rien, aveuglée par la haine. La trahison me parcourt de part en part. Je ne crains pas pour ma peau. Je pense juste à Roméo. A l'affection qu'il porte à mon demi-frère. Je pense à nos moments de complicités. Si Roméo l'apprend... il sera détruit à nouveau. Il est tellement brisé que je ne sais pas s'il se relèvera.

— Tu ne peux pas faire ça. Tu es une ordure.

Louis ne bronche pas et mon père ricane. Il s'approche de moi et chuchote :

— Y a-t-il un endroit moins exposé dans lequel nous pouvons discuter ?

Il montre les vitrines qui exposent la pièce de théâtre minable que nous donnons pour les passants. Personne ne fait attention à nous, mais moi j'essaie de mémoriser des visages afin de ne pas m'attarder sur ceux qui ont gâchés ma vie. 

— Il n'y aura pas de discussion Léandro. Partez. Tous les deux. 

Je m'empresse d'aller derrière le bureau. J'attrape le téléphone fixe et les menace avec le combiné. 

Les maux dits IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant