Chapitre 35

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Roméo

L'écran de mon ordinateur me brule la rétine. Je suis enfermé dans le noir, les rideaux sont clos et les lumières éteintes. Je ne sais plus quelle heure il est. La seule chose que je sais, c'est que je n'ai aucune putain d'inspiration. Je tourne les mots dans ma tête. Je les analyse, tente de leur trouver rimes et métaphores mais rien ne me vient.

Juste le curseur qui clignote et ma frustration qui s'emballe.

On dit souvent que l'écriture est thérapeutique. Mon premier recueil de poème est la parfaite illustration de cela, je comblais l'absence de Blanche par des mots que je lui trouvais. J'écrivais sur mon chagrin. Sur ma propre lâcheté. Voilà près de neuf mois que je promets à Louis et mes éditeurs de pondre un nouveau best-seller de la poésie. Mais je n'y parviens pas.

Perdre Jules n'a pas décuplé mon inspiration. Quand j'ai perdu Blanche je savais qu'elle était toujours dans ce monde. Que quelque part elle devait me détester, mais ça m'allait, tant qu'elle ne m'oubliait pas. Que la rondeur de la Terre ferrait que nos chemins se croiseraient à nouveau.

Mais comment écrire sur quelqu'un qui n'existe plus et qui pourtant occupe toutes vos pensées ? Comment crier mon vide ? Comment continuer à garder de l'espoir alors que la seule chose que je suis capable de faire est de rester dans le noir. Parce que la moindre source de lumière me fait mal. Parce que c'est dur de respirer, de manger, de penser à autre chose que la mort.

Voilà trois semaines que le rire de Jules ne me réveille plus le matin.

Trois.

Semaines.

C'est le temps qu'il nous a fallu pour trouver un appartement. Pour se marier officiellement en France lors d'une cérémonie intime. Pour que je donne mon nom à mon fils. Pour qu'on lui explique, jour après jour, qui je suis. Pour déménager. Fonder notre propre foyer à trois.

Car comme toujours avec nous, rien ne va trop vite.

Tout va trop fort.

Trois semaines que pense que mon cœur cesse de battre à chaque seconde. Trois semaines que nous vivons dans la peur constante. Trois semaines que j'essaie de puiser de la force en moi. Pour essayer de tirer les rideaux et laisser entrer la lumière.

Mais dès que Blanche et Victor mettent un pied en dehors de cet appartement, je m'empresse de tout refermer. Seul je n'essaie plus. Je tombe.

Mais le combat n'est pas terminé.

Blanche a retrouvé le courage de sortir à la lumière. Elle continue de se produire sur scène et d'assurer ses gardes à la galerie. Elle me rabâche qu'elle ne veut pas vivre dans la peur. Mais l'ombre de Léandro plane à chaque coin de rue. Il est là, quelque part, prêt à nous mettre plus bas que terre. Sa haine le ronge. Le fantôme de Callum ère dans cette ville. Nous ne savons pas ce qu'il peut se passer. Mais fuir n'est plus une option.

Fuir nous a trop coûté.

Je préfère désormais affronter.

Et même en puisant dans toutes ces choses, je n'arrive toujours pas à écrire. Cette histoire me prend la tête.

— Putain mais c'est pas possible !

J'envoie valser ma chaise de bureau et me précipite sur les rideaux. Le soleil vient m'éblouir quand je les tire. Je décide donc de me reconnecter à la vie et regarde l'heure.

16h45.

Il n'est pas si tard. Blanche doit encore être à la galerie. Victor est en vacances en Bretagne avec sa grand-mère. Dès notre retour sur Paris, Garance a embarqué Victor. Tant que Léandro est dans les parages, il est hors de question qu'il prenne notre fils en grippe.

Les maux dits IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant