Roméo
Deux ans plus tard
Comme tous les matins, je me rends au cimetière. Tous les psys du monde vous diront que ce n'est pas sain. Que pour parvenir à faire son deuil, il faut voir la vie pour oublier la mort. Que je devrais alentir le rythme de mes visites, mais comment vivre quand mon coeur bat sous ces kilos de terre.
Je ne n'oublierais jamais leurs morts.
Comme tous les matins, je refoule les larmes qui me montent aux yeux.
Comme tous les matins, je me dis qu'il manque ma place à leurs côtés.
Je ne parle plus aux tombes. Ca fait bien longtemps que je n'ai plus grand chose à dire.
Mon téléphone sonne, c'est Garance qui m'appelle. Je décroche rapidement, mais ce n'est pas la voix de ma belle-mère que j'entends dans l'appareil.
— Tu rentres bientôt papa ?
La voilà ma raison de voir la vie. Cette petite tête blonde qui passe ses journées à parler sans s'arrêter. Qui grandit un peu plus chaque seconde.
— Oui bonhomme. J'arrive.
Comme tous les matins, j'embrasse du bout des doigts les pierres tombales qui me font face.
— A demain.
Alors je leur tourne le dos. Comme tous les matins.
***
Il y a un monde fou à la galerie.
Tiana m'a assuré plusieurs fois qu'elle n'avait jamais vu ça. Il faut dire que la sortie de mon nouveau roman était attendue. Après les amants, je n'arrivais plus à écrire. Parce que ma propre histoire avec Blanche n'avait pas trouvé de fin.
Puis la vie a décidé de me donner un peu d'inspiration. Il y a huit mois, alors que je triais de vieilles affaires, je suis tombé sur un carton que nous n'avions jamais déballé. Celui qui contenait tous nos souvenirs d'Italie. J'y ai trouvé toutes les pellicules que Blanche avait fait développer. Pendant des heures, des jours, je me suis perdu dans les souvenirs de notre fugue.
Et alors j'ai écrit.
J'ai illustré les photos avec mes mots.
Les photos de Blanche. Son regard discret et délicat a enfin aidé mon coeur à écrire.
J'ai rendu hommage à Jules
A mon fils.
A la femme de ma vie.
Et puis nous sommes rendus aujourd'hui.
Les photos de Blanche trônent fièrement sur les murs. Mes poèmes imprimés à côté. C'est une belle exposition.
Cela fait des heures que je serre des mains, essuie les larmes de quelques lecteur.ices touchés par l'ouvrage... mais il me manque de l'air, il me manque son soutien. Je n'ai jamais été très à l'aise avec les gens.
Elle était l'exception.
Les mondanités sont interrompues par Tiana qui fait tinter sa bague de fiançailles sur sa coupe de champagne. Jérémy s'est enfin décidé à la demander en mariage...Je crois que personne n'y croit encore vraiment.
— S'il vous plait, intervient la patronne.
Mais elle ne parvient pas à demander le silence. Son intervention s'évanouit dans le brouhaha de la galerie.
— S'il vous plait ! s'écrit Joséphine qui surgit de la foule.
Et comme par magie : tout le monde se tait.
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Les maux dits II
Storie d'amore« Est-ce que quelqu'un peut dire à mon cœur de se calmer ? A mon corps de bouger ? A mes lèvres de se desceller ? A ce con de Roméo de parler ? -Miss béret... » Cinq ans. 60 mois. 4380 jours. Toutes ces années, c'est ce qui sépare Blanche...