Chapitre 9

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Roméo

La veille

Je déballe mes cartons depuis ce qu'il me semble être des heures. Le temps est long et je commence à fatiguer alors j'attrape le plus petit carton. 

Celui que j'évite depuis trop longtemps.

Je ne sais même pas pourquoi j'ai emballé cette valisette. Elle n'en avait pas besoin pour être transportée. Peut-être pour la cacher. Pour me cacher du passé que j'ai dérobé.  Pour ne pas m'avouer que je lui ai volé quelque chose et que je ne lui ai laissé que du vide. Je soupire en inspectant le carton, et pars m'installer sur le lit.

Je sors alors mes plus beaux souvenirs. Ceux qui appaisent autant qu'ils détruisent. Je farfouille dans les quelques vêtements de ma mère, que j'ai d'ailleurs gardés grâce à elle, et je finis par trouver ce que je cherche.

Mes yeux sont fixés à cette petite boite. Du bout des doigts, je dessine les coutures de la valisette. Je la trimbale avec moi depuis des années. Elle en aura vu du pays cette boite ! Ce simple contenant qui renferme tous les souvenirs de ma plus belle histoire d'amour.

Parfois je m'en veux de la lui avoir prise. Mais je ne pouvais déserter la France sans une petite partie d'elle, de nous.

J'ouvre le loquet avec précaution et commence à plonger mes mains dans le passé. Mes doigts frôlent de nombreuses photographies, des places de musées, des tickets de caisses annotés... tous nos souvenirs sont ici. Je repense à sa chevelure pastel qui me guidait dans les rues de Paris. Je repense à ses yeux bicolores et des frissons me parcourent. Je repense à sa voix et des larmes perlent à mes yeux.

— Tu es prêt ? me demande Louis.

J'essuie mes yeux humides et referme brusquement la valisette que je glisse sous mon lit, avant que mon éditeur n'entre dans ma chambre.

Éditeur, et colocataire dès à présent.

Louis a tellement d'étiquettes, dont une que je ne suis pas pressé d'annoncer à Blanche. Si elle me laisse lui parler.

Je n'en suis pas si sûr.

Disperser des morceaux de notre passé sur son passage ne va pas forcément la faire retomber dans mes bras... Elle doit surement avoir peur. 

Louis s'appuie contre le chambranle de la porte. Son costard gris me fait drôlement penser à ceux de son père.

Père qu'il n'a pas vu depuis plus d'une décennie. Le peu où fois que j'ai vu Léandro Giordano il portait toujours ce trois pièces gris anthracite qui durciçait son regard noir et lui donnait une allure fière.

— ­­ On n'est jamais vraiment prêt à vivre une nouvelle vie, je rétorque à la question qu'il vient de me poser.

— Je ne parlais pas de ça... il lâche dans un souffle tout en avançant dans ma chambre. Je pensais plus à si tu avais mis tes chaussures et préparer ton plus beau stylo. 

Je me lève et recommence à ranger les quelques cartons restants. Je veux me garder du travail pour demain. Parce que je m'interdis de dire que je suis rentré alors que tout n'est pas encore rangé. 

Demain, quand tout sera enfin à sa place, quand j'aurais parlé à Blanche, je pourrais dire que je suis enfin rentré. Que Paris m'accueille à nouveau après ces années à vagabonder dans le monde. Après avoir fuit les terribles cauchemars, je suis prêt à les affronter. J'ai besoin de les affronter. Et peut-être retrouver mes nuits sans sommeil... cela me faisait moins mal.

Louis se balade dans ma chambre et m'aide à porter les cartons les plus lourds. Il inspecte mes affaires même s'il les connait par cœur. Cela fait désormais quatre ans que nous nous suivons, des déménagements nous en avons fait ensemble !

Les maux dits IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant