Chapitre 3

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Diane

Alex : Les filles, vous êtes toutes en position ?

Math et moi : Affirmatif !

Yna : Oui, cheffe !

Kim : 👌

Il est 2 :30 et nous sommes toutes éparpillées autour du bâtiment imposant d'Halston, à l'abri des lampadaires, et portable en main. Le plan est simple : tandis qu'Alex et Yna surveillent les environs, Kim, notre hackeuse professionnelle s'affaire à brouiller les caméras extérieures de l'entreprise et Math et moi sommes chargées de graffer « PICHON = GROS PORC » en gros sur la devanture. C'est la première fois que je tagge et j'avoue que j'ai franchement envie de me faire pipi dessus. Mais je pense aux victimes de Pichon et j'imagine la réaction du PDG et de ses employés, de tous les passants qui verront le mur taggé ainsi que les lecteurs du Rennais Déchainé, un média local indépendant et influent dont Yna est rédactrice en chef, et je reprends courage.

Yna : À 11h, Peugeot 207 avec deux types suspects à l'intérieur.

Math : Voiture banalisée ?

Yna : Ah non, fausse alerte, y en a un entrain de lui tailler une pipe.

Math : L'un n'empêche pas l'autre...

Alex : Toujours RAS de mon côté !

Math : Ok, alors go go go!

Math me fait la courte échelle. Afin que le tag se voit, on doit en effet être sûres de le faire assez haut pour qu'il soit visible par-dessus le muret qui entoure le bâtiment. Elle se met donc à quatre pattes et je grimpe sur son dos sous ses râles de douleur.

-Va vraiment falloir arrêter les Chocapic, Diane.

-Sur la vie de Pico*, jamais je ne ferai une chose pareille ! répliqué-je.

De là où je suis, je distingue Alex tenant Tout-Fou au bout de sa laisse et jetant des coups d'œil furtifs tout autour d'elle. Elle nous fait un signe du pouce et je dégaine ma bombe de peinture. Tandis que je commence à écrire, je sens Math s'agiter sous mes pieds.

-Dépêche, meuf !

-Oui, bah j'suis pas Rothschild ! rétorqué-je.

-Elle dit qu'elle voit pas le rapport...

-Pervers, c'est avec un « s » ou un « t » à la fin ? douté-je, tout à coup.

-Avec un « s », banane, on ne dit pas perverte au féminin ! Et puis on s'était mis d'accord sur « porc » !

Alex : Les filles, y a des phares en approche !

-Allez, grouille ! me urge Math.

-J'ai presque fini !

J'entame le dernier mot de mon tag lorsque j'entends la voix paniquée d'Alex depuis le haut-parleur de mon portable : « Merde, les filles, c'est les flics, courez ! »

-Putain, grogne Math, magne-toi, faut qu'on se barre !

-Mais j'ai pas fini !

-Osef, bouge !

Je bondis au sol et m'élance derrière Math lorsque la silhouette de deux policiers munis d'une lampe torche se plantent devant nous :

-Police, arrêtez-vous !

Je percute Math qui se fige devant moi. Aïe, mon nez !

-Mesdames, on peut savoir ce que vous trafiquez là ? nous argue l'un d'eux.

-Euh, nous ? Rien M'sieur l'agent ! assure ma meilleure amie.

-Qu'est-ce que vous tenez dans la main ? dit-il en braquant sa lampe dans ma direction.

-Euh, une bombe d...

Math me donne un coup de coude dans le sternum, me coupant le souffle.

-Comment ça une bombe ? s'enquiert le policier.

-De déodorant, M'sieur l'agent, une bombe de déodorant ! s'empresse d'ajouter ma meilleure amie.

Le policier rive le faisceau de sa lampe vers le mur où sont maintenant inscrits les mots « PICHON = GROS PER».

-Un déodorant, hein ?

-Oui oui, vous voyez, ma copine souffre d'hypersudation et du coup, elle se déplace avec un déodorant, tente Math.

-Merci meuf, sifflé-je à son oreille pour qu'elle seule ne l'entende.

-Je tente de nous sortir de là alors ferme-la, riposte-t-elle sur le même ton.

-Donnez-moi ce que vous tenez dans la main, nous ordonne l'agent.

Déroutée, je lui tends la main qui tient encore mon portable.

-Non, l'autre main !

-Ah...

-Je vous conseille de pas trop vous approcher, M'sieur l'agent, les avertit Math en se décalant un peu plus devant moi.

-C'est une menace ?

-Non, juste un petit conseil, elle ne sent vraiment pas la rose !

Je distingue la main de Math s'agiter dans son dos pour m'inciter à lui donner discrètement la bombe de peinture. Je m'exécute sauf que ses doigts ripent et celle-ci tombe sur le sol. Le bruit métallique attire l'attention des policiers.

-C'était quoi ça ?

-Quoi, ça ?

-Ce bruit.

-Quel bruit ? T'as entendu quelque chose, toi ? feint Math dans ma direction.

-Ah non non, vous devez vous tromper Monsieur l'agent, dis-je en m'efforçant de paraître anodine.

-Bon, tournez-vous toutes les deux, les mains contre le mur, les jambes écartées.

Nous nous regardons, dépitées, avant d'obéir. Tandis que son collègue ramasse et examine l'arme du crime, le policier nous tâtonne et vide nos poches. Il en sort nos portefeuilles, un paquet de chewing-gum et des Chocapic pour ma part (ce qui me vaut un nouveau regard réprimandeur de Math). Puis il s'adresse à son collègue en lui déclarant « une sent le cannabis ».

-Qui c'est qui pue, hein ? lancé-je alors à ma meilleure amie.

Ne trouvant rien à redire, cette dernière lève les yeux au ciel.

-Bon, on vous emmène au poste toutes les deux.

-Nous ne sommes pas des dealeuses, Messieurs, s'agace Math.

-On en rediscutera au commissariat.

Les deux policiers nous menottent les mains derrière le dos et nous emmènent à leur voiture. Assise à l'arrière, j'essaie de trouver une position confortable tandis que Math rumine dans son coin.

-Il faut qu'on appelle Alex ! lui murmuré-je.

-On peut prévenir notre avocate ? demande-t-elle aux deux agents assis à l'avant.

-Quand on sera arrivé au poste, répond l'un d'eux.

Une peur bleue m'envahit alors. S'ils nous arrêtent pour détention de drogue, je ne donne pas cher de notre peau.

-Math, ils vont nous mettre à poil et nous faire tousser!**

-Tais-toi, ne dis rien, Alex va nous sortir de là.

*Pour les non fans des céréales Kelloggs, Pico est le chien égérie de la marque Chocapic.

**Technique communément utilisée par la police des stupéfiants pour s'assurer que les suspects ne dissimulent pas de drogue dans leur rectum.

Les Délurées - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant