Les Délurées - Tome 1

Chapitre 6

Zak

L'appartement de Diane et Massimo étant plongé dans le silence depuis plusieurs heures, je profite de cette accalmie pour rappeler mon père qui m'a appelé trois fois aujourd'hui.

-Salam mon fils, enfin, j'ai cru que tu ne m'appellerais jamais, décroche mon père de son ton indigné.

-Comment tu vas, Baba ?

-Arf, Tiana a encore fais des scènes.

-Tu veux dire des siennes ?

-Oui, c'est ce que j'ai dit, arrête un peu de me courriger tout le temps ! C'est moi qui t'aies appris le fronçais, j'te rappelle ! s'agace mon père de son plus bel accent marocain.

-T'as raison, désolé Baba. Dis-moi, qu'est-ce qu'elle a ?

-L'école l'a exclue trois jours, elle était en train de fumer du cannabis. Je l'ai dit à ta mère, c'est à cause de ce garçon dans sa classe ! Depuis qu'elle le fréquente, elle fait que des counneries !

J'écoute mon père débiter tout son désarroi au sujet de ma petite sœur et ses penchants pour la drogue douce. Je sais au fond de moi qu'elle est en perte de repère depuis le drame. Notre petit frère est également passé par là. Heureusement, après de vives discussions avec lui, il a fini par se raisonner et aujourd'hui, il mène une vie stable et épanouie.

-Tu peux essayer de lui parler ? me demande mon père.

-Ok, je vais lui parler.

-Choukran mon fils, vraimont.

-T'inquiètes pas. Comment ça va à la maison, sinon ?

-Ça va, ça va, Mama est au Bricomarché pour acheter de l'anti-ermites, y en a partout dans la couisine ! Ils mongent tout ce qu'ils trouvent ! Ils ont même fait des trous dans sa djellaba !

Je suis en train de m'imaginer des pique-assiettes investir la maison de mes parents avant de comprendre.

-Ah des mites, tu veux dire.

-Bon peu importe, j'espère qu'elle trouvera ce qu'il faut !

Si elle demande de l'anti-ermites aux vendeurs du Bricomarché, je ne parierai pas là-dessus mais je me retiens de le corriger.

-Tu viens dimanche ?

-Comme toujours, Baba.

-Bien, oublie pas l'anniversaire de ta nièce, hein !

-J'ai pas oublié, je lui ai acheté un puzzle.

-Un peuzeul ?

-Un puzlé.

-Aaaah, elle va être contente ! Et Mama veut savoir si tu viens accompagné ?

-Nope.

-Non ? Et la p'tite blonde de la dernière fois ?

-On n'est plus ensemble, Baba.

-Quoi ? Mais elle était geontille pourtant, qu'est-ce qui s'est passé ?

-Incompatibilité.

-Mon fils, tu crois vraiment que ta mère et moi, on est compatibilé ?

-Non, ça, c'est certain.

-On était comme chien et chameau, l'amour ça s'apprend, ça se gagne. Il faut arrêter de se séparer après chaque petite boutille !

-Baba, c'est plus compliqué que ça. Et on dit broutille.

-Quoi, c'est à cause d'une autre bint ?

-Non, non, plutôt à cause d'un autre homme. Bon, je dois raccrocher.

-D'accord, fais attention à toi, mon fils.

Je raccroche et laisse retomber mon téléphone sur le siège passager de ma voiture. Pas la peine de m'épancher sur mes échecs sentimentaux auprès de mon géniteur. Mon cœur se pince en repensant à Aurélie, ma collègue policière que je fréquentais depuis plusieurs mois et qui a fini par me larguer pour son prof de crossfit. Même si elle a rompu en douceur, la douleur se ravive dès que je la croise au bureau. J'aurai dû le sentir pourtant. Son besoin de passer ses week-ends avec ses amies ou seules plutôt qu'avec moi, sa réticence à m'accompagner à mes repas de famille, son comportement de moins en moins tactile... Je sentais bien qu'elle s'investissait beaucoup moins dans notre relation et à raison.

Accaparé par mon travail, je n'ai pas su lui donner l'attention qu'elle méritait et depuis un mois, c'est seul que je m'endors dans mon lit le soir. Même si mes collègues me tannent pour m'inscrire sur des sites de rencontre, je ne peux me résoudre à me lancer dans une relation avec une civile. Quel homme respectable serais-je si j'imposais une vie aussi dangereuse et peu stable que la mienne à une femme ? Elle vivrait avec la peur incessante de ne pas me voir rentrer le soir ou passerait ses week-ends seule car trop occupé à traquer les criminels. Mes pensées dérivent soudain vers Diane Laurent et je dois m'ébrouer pour la chasser de mon esprit.