Chapitre 15

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Diane

Mon cœur cogne dans ma poitrine, mon corps est en proie à de violents tremblements. Massimo me tient toujours en joue, posté dans un coin de la cuisine, son bras encerclant ma gorge. Le contact métallique de son arme contre ma tempe me paralyse. Je sens qu'il est prêt à tout et l'idée de mourir me tétanise.

-Massimo, je t'en supplie, dis-je entre deux sanglots.

-Il fallait réfléchir à deux fois avant de me la mettre à l'envers ! rétorque-t-il.

-Ce n'était pas mon intention, je n'étais au courant de rien, je...

Je me tais lorsque j'entends un bruit étrange depuis le couloir, comme si quelqu'un était en train d'asperger du déodorant par intermittence. Massimo semble l'avoir entendu également puisqu'il se fige.

-Qui est là ?! peste-t-il.

Pas de réponse.

-Montrez-vous ou je la tue !

Plus aucun bruit ne nous parvient. Mon colocataire jure puis me force à avancer.

-Massimo, qu'est-ce qui se passe ? demande le négociateur derrière la porte.

Il l'ignore et jette un œil furtif dans le couloir tout en pointant son gun devant lui mais celui-ci est vide. Mon regard est alors attiré vers le mur où sont maintenant graffés les mots :

"Aux chiottes le gang des anonymes"

-C'est quoi ce bordel ?!

-Je... j'en sais rien, dis-je, le cœur battant.

Un courant d'air nous parvient depuis ma chambre restée ouverte.

-Sortez de là où je la tue ! menace Massimo.

Comme Math ne répond pas, il me fait avancer jusqu'à ma chambre. La fenêtre y est restée ouverte et laisse une rafale de vent s'y engouffrer, faisait claquer la porte dernière nous puis la seconde d'après, tout s'accélère. Un bruit de spray, Massimo qui lâche son étreinte en râlant et en se couvrant le visage des mains. Une mains me tire vers l'arrière, puis une détonation retentit et mon colocataire hurle de douleur en croulant sur les genoux, la main qui tenait son gun en sang.

La porte d'entrée s'ouvre avec fracas et des hommes recouverts de casque et l'arme au poing font irruption dans l'appartement en hurlant « Gendarmerie ! À terre ! »

Dans la précipitation, Math nous a ramené dans la salle de bain et étaler dans la baignoire et c'est en train de nous débattre avec le rideau de douche que les agents du GIGN nous trouvent. Ils nous aident à nous en dépêtrer avant de nous diriger vers la sortie. J'ose jeter un œil en arrière et vois Massimo écrasé au sol par des agents entrain de lui passer les menottes, l'air hagard, les yeux rouges et le visage couvert de peinture noire.

-Cible neutralisée ! crie l'un d'eux.

Nous regagnons le couloir de l'étage et mon cœur fond lorsque je vois Zak se précipiter vers nous :

-Ça va, vous n'avez rien ?

-Non, ça va, je ne suis pas blessée.

Il nous entraine dans les escaliers jusqu'à nous sortir du bâtiment.

-Ok, on est à l'abri. Ça va aller ?

-Oui, oui ! Je... je n'ai jamais été aussi contente de vous voir, lui dis-je le cœur en feu.

Il me regarde avec ses yeux désemparés. Je vois bien qu'il s'inquiète vraiment pour moi. Je réalise alors que je ne porte pas mon turban et je me sens soudain devenir livide.

-Mon turban, dis-je, la gorge serrée, en plaquant mes mains pour dissimuler mon crâne.

L'inspecteur dégaine un talkie-walkie et prononce un « les gars, si vous trouvez un turban, ramenez-le ! » puis il retire sa veste pour me la donner et rabattre la capuche sur ma tête. Un sanglot m'échappe. Je ne sais pas ce qui me fait le plus mal, la peur d'avoir failli mourir ou le fait qu'il m'ait vue le crâne à l'air. Mais contre tout attente, il passe son pouce sur ma joue pour sécher une larme et me cale contre son torse en m'enlaçant de ses bras. Je l'entends me rassurer et je me laisse littéralement aller contre son torse.

-Et moi, non, pas de câlin ?! s'indigne la voix de Math derrière moi, je sauve la peau de tout le monde et j'ai droit à rien !

J'éclate de rire devant sa moue réprobatrice avant de me détacher de Zak pour venir la prendre dans mes bras.

-Merci, Math ! T'es la meilleure ! Je suis désolée, je n'aurais jamais dû te laisser m'accompagner !

Ma meilleure amie finit par se détendre et me tapote le haut du crâne pour me rassurer.

-Dis pas n'importe quoi, et puis grâce nous, il a été arrêté. On aura fini par mettre un gros miso hors d'état de nuire finalement !

J'éclate de rire devant son air victorieux. Un des membres du RAID s'approche alors de nous et nous tend mon turban. Zak le saisit et l'enroule délicatement sur mon crâne, ce qui a le don de me faire rougir. Il l'attache et le résultat est impeccable.

-Tout va bien, Mesdames ? Vous nous avez fait une belle frayeur, dites donc !

Un quarantenaire au visage jovial s'avance vers nous. Par sa voix, je reconnais le négociateur qui a tenté de convaincre Massimo de me libérer.

-Un coup de génie, répond Zak en tapotant l'épaule de Math.

-Et bien, bravo, vous avez été courageuse, votre mère aurait été fière de vous, continue le négociateur.

Ma meilleure amie le regarde, hébétée.

-Vous... vous avez connu ma mère ?

-On a servi tous les deux en Somalie. Je suis content de voir qu'elle a parfaitement assuré sa relève. Même si vous avez pris de sacrés risques !

Le négociateur pose une main amicale sur son épaule avant de se diriger vers un des camions du raid, la laissant bouche bée.

-Attendez !

Je la vois s'éloigner pour le rattraper, puis Zak enroule son bras autour de mes épaules.

-Venez, ne restons pas là.

Je le laisse m'entraîner jusqu'à une ambulance garée en travers un terre-plein, le cœur encore battant.

Math et moi avons passé le reste de la journée au commissariat pour pouvoir témoigner de ce qui nous était arrivé. J'ai passé presque autant de temps avec Zak qui m'a largement déculpabilisé. Il m'a également aidé à déménager mes affaires chez Alex le temps que je retrouve un logement et m'a assuré que Massimo, qui a directement été déféré devant le juge et qui a écopé d'une grosse peine, ne pourrait plus s'en prendre à moi. Mes parents sont venus en catastrophe depuis St Malo et leur présence m'a énormément aidé à reprendre pied. J'ai donc pu reprendre le cours de ma petite vie, avec un peu moins de péripéties cependant.

Les Délurées - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant