Zak
Je sors du bureau du commissaire après la rouste de ma vie. Malgré mes arguments (micro défectueux, mauvaise connexion, une conversation entre les deux suspects peu révélatrice ou même trop), mon chef n'a pas pris et à raison. Une cinquantaine de gendarmes, deux démineurs ainsi qu'un chien renifleur ont été déployés pour cette arrestation et je ne suis même pas parvenu à tirer plus d'infos sur Massimo par sa colocataire. Autant dire que mon équipe et moi sommes la risée de tout le service. Je me rassure en me disant que j'ai fait ce qu'il semblait être bon de faire avec les moyens du bord mais cela n'a pas suffi à convaincre ma hiérarchie.
Je sais pourtant au plus profond de moi que Massimo n'a pas dit son dernier mot. Sa rencontre avec Ramone ne me dit rien qui vaille. D'ailleurs, une nouvelle préoccupation me submerge. Ma cible a été perdue de vue depuis l'arrestation de Diane. Mes collègues ne l'ont pas vu sortir et il ne se trouve plus à son appartement. Tout porte à croire qu'il s'est réfugié chez un autre habitant de l'immeuble.
Je m'inquiète maintenant pour Diane. S'il a eu vent de son arrestation, il pourrait se croire surveiller et les chances pour qu'il s'en prenne à elle ne sont pas négligeables. Je me fustige en pensant que j'ai pu la prendre pour une complice de ce sale type. Durant son interrogatoire, j'ai vite compris qu'elle n'avait pas le profil et à bien y réfléchir, jamais je n'aurai dû la considérer comme une suspecte. Malgré les ordres, je m'équipe et fonce hors du commissariat pour rejoindre mes collègues encore en planque en bas de leur immeuble.
Diane
Ma valise remplie de vêtements, je pars à la recherche de sacs de course pour y fourrer mes cours et mes livres tandis que Math récupère mes affaires dans la salle de bain. Après être sortie de cet enfer, je me promets de ne plus me mettre en colocation et de ne plus jamais prononcé le mot bombe de ma vie.
-C'est lequel ton gel douche, celui 5-en-1 ou à la noix de coco ? me demande ma meilleure amie depuis la salle de bain.
-C'est le Dop.
-Tu te laves encore au Dop, nan mais t'as quel âge ?!
-Oui, bah c'est le seul qui me pique pas les yeux quand je me lave le crâne.
Je dépose mon dernier sac dans le couloir puis me fige sur place lorsque la porte de l'appartement s'ouvre sur Massimo. Impossible. Yna nous aurait averti de son arrivée. À moins qu'il ne se soit caché dans l'immeuble ? Posté à l'entrée, la main toujours sur la poignée de la porte, mon colocataire bloque son regard sur ma valise et mes sacs posés en vrac à l'entrée.
-C'est quoi ce bordel ? m'assène-t-il.
-Euh, rien rien, je... je pars en vacances ! De très longues vacances. Du coup, je prépare mes affaires.
Massimo me scrute suspicieusement avant de répliquer :
-Tiens donc ?
-Oui oui, je pars visiter ma famille en Guadeloupe !
-Et bien sûr, ton départ précipité n'a aucun rapport avec la descente de flics de tout à l'heure.
-Ah non, aucun ! Quelle descente de flics ?
La mâchoire de Massimo se tend, ses yeux me lancent des éclairs. Il s'avance à grandes enjambées vers moi et m'agrippe par le col avant de me plaquer brusquement contre le mur du couloir. Puis mon corps se pétrifie lorsque je le vois dégainer une arme à feu et le coller contre ma joue.
-Qu'est-ce qu'ils te voulaient les flics ?! Tu travailles pour eux, c'est ça ?
-Non, non, je ne travaille pas pour eux, je te jure !
-Arrête de mitonner, la voisine t'a vu partir avec eux !
-Oui mais non, ils m'ont suspectée dans une affaire de... de vandalisme mais ils m'ont tout de suite relâchée.
-Vandalisme de quoi ?
Je déglutis avant de prononcer un faible « graffiti ».
-Arrête de te foutre de ma gueule, putain, dis-moi la vérité !
-Je te jure que je ne travaille pas avec la police, s'il te plaît, laisse-moi partir !
Massimo me scrute de ses yeux menaçants. Clairement il ne me croit pas une seconde. Il m'entraine vers la cuisine mais en voulant me tirer par mon turban, celui-ci reste dans sa main.
-C'est quoi ça ?! me lance-t-il, ahuri.
Je tente de le récupérer mais il m'en empêche.
-Oui bon, ça s'appelle de l'alopécie, dis-je maintenant agacée, c'est pour ça que je porte un foulard.
Le visage de mon colocataire vire au rouge. Il me tire vers lui avant de me cracher au visage :
-Tu t'es bien foutu de ma gueule, hein ?! Alors t'es quoi, de la DGSE, des renseignements territoriaux ?
-Rien de tout ça ! J'ai dû quitter mon appartement et je suis tombée sur ton annonce, rien de plus !
Massimo me regarde de ses yeux plissés avant de me lâcher et dégainer son portable. Il passe un coup de fil tout en faisant les cent pas dans le couloir et en parlant une langue slave que je ne comprends pas. Je le regarde, tétanisée par la peur. Je n'aurai jamais dû revenir. Et Math qui est encore dans la salle de bain... S'il découvre qu'elle est là et qu'il s'en prend à elle, je ne me le pardonnerai jamais. Il finit par raccrocher et tend sa paume dans ma direction.
-Donne-moi ton portable.
Je m'exécute aussitôt.
-Ton code.
-3265
Je le vois défiler mon écran et je reprends espoir. Je n'ai rien à cacher et il verra très vite que je n'ai aucun contact avec la police.
-C'est quoi ce groupe « mouvement solidaire anti-phallo » ?
-C'est un groupe que j'ai créé avec des amies.
-Pourquoi Mère Supérieure écrit « T'en es où dans ton opération d'exfiltration ? »
Je me sens alors devenir livide.
-Je... quoi ?! Non, non ! Ça n'a rien à voir, je...
-Arrête de me mentir, Diane ! C'est quoi cette histoire d'exfiltration ?!
-Je... je...
Je reste pantoise et fustige en même temps contre le sort qui s'acharne un peu trop sur moi lorsque la sonnette retentit subitement.
-Police, ouvrez !
Mon cœur fond lorsque je reconnais la voix de Zak. La main de mon colocataire se crispe sur son arme puis ses yeux noirs me toisent avec une colère sans précédent.
-Je t'aimais bien, Diane, j'aurai pas non plus été contre de te baiser si tu le voulais mais là putain, tu me fous la haine ! me siffle-t-il entre ses dents.
Ma gorge s'assèche, les larmes me montent à la gorge. Je ne le reconnais pas. Où se trouve le colocataire sans histoire avec qui j'ai vécu ces derniers mois ?
-Je suis désolée, je ne voulais pas que ça finisse comme ça, je veux juste vivre ma vie, il y a des gens pour qui je compte, ils ont besoin de moi. Je t'en supplie, ne me tue pas !
-Arrête de chialer, putain ! C'est de ta faute si on en est là !
Un coup sourd se fait entendre contre la porte, indiquant que le policier tente de pénétrer dans l'appartement. Massimo me tient en joue tout en se positionnant derrière moi.
-Faites un pas de plus et je lui explose la cervelle ! hurle-t-il.
-Massimo, on n'est pas obligé d'en venir là, répond Zak, relâche-la et on pourra discuter de tes revendications.
-Je plaisante pas, j'ai un gun pointé contre sa tempe, vous entrez, elle crève !
Tétanisée et impuissante, je repense à mes parents, aux filles et me laisse envahir par les regrets. Ma témérité aura eu raison de moi. J'ai pris trop de risques et je suis en train d'en payer le prix.
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Les Délurées - Tome 1
HumorPlongez dans les aventures rocambolesques des Délurées, un groupe de féministes prêtes à tout pour réclamer justice et faire tomber les phallocrates les plus récalcitrants de leur chère ville rennaise. Dans ce premier tome, Diane Laurent, une jeune...