Chapitre 71

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Amelia n'était pas partie depuis longtemps, Melissa était passée il y a à peine une demi-heure. Elle l'avait salué chaleureusement, avait pris des nouvelles de Stiles et regardé sa blessure à la jambe en privé, au cas-où. Si l'hyperactif avait apprécié l'initiative et la bienveillance de Mama McCall, il n'avait pu laisser sa reconnaissance s'exprimer comme il l'aurait fait habituellement. La rancune qui le rongeait était trop forte et surtout... Trop fraîche. Et maintenant qu'il était seul avec Derek au manoir, les choses s'avéraient un peu plus difficile encore.

Parce que Stiles pouvait comprendre le fait qu'Amelia puisse se sentir seule, qu'elle ait envie de changer d'air. Ce qu'il appréciait moins, c'était que la chose se soit faite dans son dos. Si la petite n'avait pas eu envie de le lui dire à lui... Soit, il l'acceptait même si ça faisait mal.

Mais que Derek ait préparé le départ d'Amelia sans lui en parler au préalable, ça, ça passait moins. Et après, il osait lui dire qu'il avait le choix ? La belle affaire. Dans la mesure où tout était prêt et organisé pour qu'Amelia puisse passer quelques jours à l'extérieur... Comment dire non ? Comment exercer librement son choix ? Puis à côté de cela, Stiles n'avait pas eu le temps de se préparer moralement, de comprendre les tenants et les aboutissants de ce qui avait mené à ce « choix »... Alors voilà, il se sentait quelque peu lésé.

Mis de côté.

Et ça, c'était quelque chose qu'il peinait à accepter pour la bonne et simple raison... Qu'il peinait réellement à se dire qu'il avait de la valeur et que son avis avait son importance. Or si on ne le sollicitait pas, cela signifiait qu'il n'en avait pas vraiment, non ? Qu'est-ce qui avait conduit Derek à se dire qu'il pouvait décider seul et ensuite lui donner l'illusion d'un choix qu'il n'avait en réalité... Pas ? Stiles se savait injuste mais il voyait ça... Comme un rapport de force, qu'il reliait automatiquement à des choses auxquelles il ne devrait pas penser. Un exemple tout bête : Stiles avait fait une tentative de suicide il y a quelques temps... Et c'est Derek qui avait pris la responsabilité de s'occuper de lui. Et s'il prenait son rôle trop à cœur ? Sa vision quant à leur relation était-elle en train de changer ? Être compagnons ne dispensait pas d'un respect certain, qui se devait d'être mutuel. Stiles refusait d'être lésé par un acte réalisé dans un moment de détresse inouï. Lésé par sa faiblesse qu'il savait due à un enchaînement d'évènements dingue. Lésé à cause de son manque d'implication dans le foyer. Lésé par son angoisse. Ça, c'était des choses qu'il voyait et dont il avait parfaitement conscience – parfois. Simplement, il n'arrivait pour l'instant pas à faire quoi que ce soit d'utile ou de bien, d'autant plus... Qu'il n'avait toujours pas pris de décision quant à la demande de son père.

S'il pouvait reconnaître le fait d'être potentiellement un fardeau quotidien, il refusait d'être mis de côté à cause de tout ça. C'était pour cette raison-là que Stiles n'arrivait pas à passer à autre chose, à se dire que ce n'était qu'un détail. Parce qu'il ne voyait dans cette situation qu'un moyen de faire les choses dans son dos. A côté de cela, il se doutait bien que les intentions de Derek étaient louables, pour la simple et bonne raison qu'il commençait à bien le connaître... A force de vivre à ses côtés.


A ses côtés, oui, et non avec lui.

Stiles ne pouvait s'empêcher de mettre en valeur cette distinction qu'il faisait entre ces deux formulations. Pour l'heure, il n'était qu'un colocataire... Au bagage psychique plus lourd que ses affaires.

Stiles voyait les choses de cette façon-là parce que... S'il était relativement objectif, il était obligé d'avouer qu'il n'arrivait pas à suivre le rythme de leur existence « commune ». En ce qui concernait les tâches ménagères par exemple, il n'avait pas à grand-chose – et non, pour lui, ses blessures, dont celle de sa jambe, n'étaient pas une excuse. Stiles se savait physiquement capable de mettre la main à la pâte. Or, il ne le faisait pas parce qu'il n'en avait pas la force mentale. Ou qu'il n'osait plus vraiment – difficile pour lui de faire la différence. Dans sa tête régnait un capharnaüm monstrueux qui laissait peu de place à une réflexion réelle et froidement logique. De même, se motiver à faire quelque chose représentait un effort trop important pour lui. Trop important parce qu'il se sentait épuisé en permanence. Tout ce qu'il réussissait à faire, c'était de combattre momentanément certaines pensées.

La vérité dans le mensonge.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant