🍂3 - LES SQUELETTES DANS LE PLACARD🍂

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Il n'existait pas de façon plus simple pour se débarrasser d'une journaliste que de l'envoyer sur une fausse piste à l'autre bout de la ville. Ayant prétexté un service, Kylian avait vu décamper Édith plus rapidement que son ombre une fois le faux dossier entre ses mains. Ce qu'il ne fallait pas inventer : un faux dossier, de fausses pistes, de faux indices. Initialement, cela devait servir comme base pour une chasse au trésor pour l'école de la ville, mais Grégory avait si bien travaillé dessus que tout compte fait, cela méritait qu'une journaliste un peu zélée se penche sur la question également et puis, si elle revenait furibonde, ce qui avait de grandes chances de se produire, le commissaire avait déjà son excuse toute trouvée : "C'était afin de voir si cela n'était pas trop difficile pour des enfants."

Théoriquement, cela devrait lui permettre de gagner une journée de temps et profiter ainsi calmement de l'espace silencieux qu'offrait son bureau maintenant que ce dernier fut débarrassé du moindre petit parasite. Pas de Grégory, pas de Monsieur le Maire, pas d'Édith C. Lewis. Personne. Personne pour le faire chier et pour la première fois depuis le début de cette désastreuse journée, Kylian respirait.

La nuit dernière le hantait encore. Il l'avait vue, là, se tenant devant lui, au pied de son lit. Il l'avait vue comme il était possible de voir quelqu'un se tenant au plus près de vous, pourtant, il savait que cela n'était pas possible. Qu'elle ne pouvait pas être là.

Était-ce à cause de l'alcool ? Ou justement était-ce parce que pour une fois, depuis une éternité, il n'avait pas su finir une bouteille ? Cependant, il l'avait vue et si quiconque venait à l'interroger sur ses hallucinations nocturnes, Kylian mettrait cela sur le coup de l'alcool plutôt que d'avouer être à même de voir les morts.

Car oui, Merry était morte il y a de cela vingt-cinq ans.

Ce jour-là, il n'y avait pas qu'un enfant s'étant rendu sans permissions jusqu'au manoir de Castelroc, mais bel et bien deux enfants. Toutefois, le Maire avait préféré taire l'affaire plutôt que d'avouer la sombre vérité et depuis ce jour-là, Kylian la voyait. Tantôt gravitant silencieusement autour de lui et tantôt dans ses cauchemars les plus prenants, l'accusant de l'avoir jadis abandonnée.

Il n'y avait que lorsqu'il buvait, qu'elle cessait de hanter son esprit abîmé par les affres de l'alcool. Néanmoins, il n'y avait pas de pente plus glissante que celle sur laquelle Kylian s'était aventuré.

Prenant alors le premier dossier gisant sur la pile présente devant lui, le commissaire avait trouvé une nouvelle façon pour lui de se perdre : le travail. Non pas qu'il soit un bourreau de travail, mais toutes ces étranges affaires continuant d'apparaître ici et là constituait un véritable défi pour lui. Un casse-tête, une énigme qu'il lui fallait résoudre. Pourquoi six corps différents étaient soudainement apparus au pied de la montagne ? Pourquoi personne n'arrive à les identifier ? Des inconnus, c'était possible pour un cas ou deux, mais six cas de corps que personne ne venait réclamer ? Voilà bien quelque chose suffisamment important pour lui occuper l'esprit.

– Toujours aucune nouvelles pour les inconnus 1 à 3 ? demanda le commissaire en sortant de son bureau, déboulant dans la grande salle dans laquelle était réuni l'ensemble des agents du poste.

– Nous avons essayé d'éplucher les dossiers de chacun en recoupant avec le fichier des personnes disparues, mais personne ne semble avoir signalé leur disparition. Ils n'avaient aucun effet personnel sur eux non plus, donc il nous est difficile d'en savoir davantage, répondit un agent en se levant tel un élève interrogé en classe.

– Cela fait trois mois que ces trois corps dorment à la morgue, il serait grand temps que vous vous sortiez les doigts et que vous vous montriez efficaces. Le Maire veut des réponses et il n'est pas le seul ! beugla Kylian.

Tout ce qu'il resteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant