🍂17 - COQUELICOT🍂

85 24 6
                                    

Les premiers flocons de la saison étaient tombés dans la nuit alors que la toute petite ville de Toleni dormait à poings fermés. L'herbe avait, depuis plusieurs semaines, laissée sa place à de la terre devenue boueuse et à présent celle-ci s'était recouverte d'une fine pellicule blanche. L'hiver était donc bel et bien arrivé au grand désespoir de Kylian, qui depuis sa fenêtre, s'était attardé sur la montagne se dressant dans le paysage.

La nuit fut courte, mais contrairement aux précédentes, il n'avait pas touché à une bouteille, non pas que l'envie ne s'était pas fait ressentir dès que Merry s'était manifestée au-dessus de lui, mais quelque chose avait empêché son penchant de revenir au galop. Quelque chose comme le souvenir d'un pacte, d'un serment, d'une promesse.

– Il y a des jours où l'on aimerait ne pas quitter son lit.

Kylian savait que la suite des événements allait entièrement dépendre de la façon dont cette journée se passerait. Est-ce qu'ils reviendraient dessus ? Est-ce qu'Édith allait produire un papier sur le manoir ? Il n'était certain de rien et au fond de lui, il ne pouvait qu'espérer que l'expérience d'hier leur ait suffi. Cependant, il ne miserait pas dessus et il n'aurait les réponses espérées qu'en arrivant au poste.

Jetant un dernier coup d'œil dans la pièce, espérant y apercevoir Merry, Kylian referma la porte derrière lui, le cœur lourd. Il savait qu'elle était là, quelque part, mais Merry ne se manifestait qu'en fonction de son bon vouloir et uniquement en fonction de son bon vouloir. Elle n'existait que pour lui rappeler ce que, jadis, il lui avait promis ; d'éternellement lui tenir compagnie.

À croire que finalement, elle ne serait qu'un produit de son imagination, le fruit de longues années à porter la culpabilité de l'accident.

– Bonjour chef !

Dans le poste, rien n'avait changé depuis la veille. Les hommes étaient au petit soin avec l'enquête tandis que le commissaire n'arrivait que pour leur dire qu'il allait falloir tout boucler. Cela faisait déjà trois mois et aucun indice probant n'avait été trouvé ou bien même retrouvé et la ville n'avait pas les caisses suffisamment profondes pour faire perdurer cela ; d'autant plus que six meurtres ne suffisaient pas non plus à affoler les habitants de Toleni. Bien au contraire ! Cette affaire avait nourri les passions et avait animé les débats, de quoi donner un regain de vie à l'association du patrimoine et à ceux plus friands d'étrange encore. En soi, tout le monde y avait gagné quelque chose. Même Kylian : il s'était découvert migraineux.

– Trouvez-moi le lieutenant ! ordonna-t-il en accrochant son manteau sur le coin de sa porte.

– Oui chef !

En quelques minutes seulement, Grégory toqua à la porte et à sa tête, Kylian devina que celui-ci n'avait certainement pas fermé l'œil de la nuit. Il avait dû ressasser encore et encore dans sa petite tête tout ce qui lui était arrivé, car Grégory était un homme à "réponses" et le fait d'être probablement drogué à son insu ne lui suffirait pas pour expliquer certaines choses.

– Pourquoi ai-je l'impression que les rôles ont été inversés et que c'est moi qui aie passé une nuit horrible ? demanda-t-il en tenant une grande tasse, C'est mon cinquième café depuis que je suis arrivé et je n'arrive toujours pas à me plonger dans le boulot.

– Quel boulot ? Nous allons conclure cette affaire, fit Kylian tout gaiement.

– Comment ça "conclure" ? Je ne te suis pas.

– Nous avons trouvé des traces de sciure de bois sur les six corps. Après analyses, cela nous a menés tout droit jusqu'au manoir et après une fouille approfondie des lieux, nous n'avons rien trouvé. Par contre, nous savons que cet endroit est particulièrement dangereux et que nos six corps ont probablement été intoxiqués. Fin de l'histoire.

Tout ce qu'il resteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant