🍂12 - LES SECRETS SE TROUVANT DERRIERE LA PORTE🍂

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De toutes les mauvaises décisions que Kylian avait pu prendre en trente ans, celle-ci en faisait définitivement partie, car Grégory et Édith partageaient la joie et l'excitation de pouvoir enfin explorer les alentours du manoir tels deux enfants n'attendant que l'autorisation de leurs parents pour pouvoir déballer leurs cadeaux de Noël. Jamais il n'aurait dû les autoriser à venir jusqu'ici.

– Faisons ce pour quoi nous sommes venus et dégageons d'ici au plus vite, fit Kylian.

– Ce n'est pas comme si la police allait débarquer d'un moment à l'autre pour nous arrêter, interrompu Édith, vous êtes déjà sur place.

– Ce n'est pas une raison.

– Je comprends ton point de vue, mais ne pourrions-nous pas en profiter un petit peu ? demanda Grégory.

– Ne me tentez pas, tous les deux. Et Grégory : Mets-toi au travail. Tu es lieutenant de police et tu es là pour les besoins d'une enquête. Tu n'es pas là pour jouer à l'apprenti explorateur. Suis-je clair ? ordonna sèchement Kylian.

– Oui chef !

Toutefois, quelque chose le perturbait concernant cette enquête. S'ils avaient dû eux-mêmes couper le cadenas à l'entrée de la propriété, comment six personnes avaient-elles pu passer par là sans laisser aucune trace de leur passage ? Le cadenas portait encore l'autocollant de la mairie, par conséquent, il n'avait pas pu être remplacé par un autre d'un modèle similaire. Alors comment les six avaient pu entrer jusqu'ici ?

– Personne ne se demande à quoi cet endroit pouvait-il bien ressembler avant d'être complètement abandonné ? demanda Édith.

– Non, coupa Kylian, Personne ne se le demande.

– Eh bien moi si. On en trouve quelques représentations dans les coupures des journaux, mais il n'y a rien qui remonte au commencement. La dernière photographie du manoir date de l'incident concernant Margarette Heelz.

– Merveilleux, avançons maintenant.

– Vous savez, je vous trouve très détaché, comme si tout cela ne vous concernait pas ?

– Parce que c'est le cas ? En quoi devrais-je me sentir concerné par l'état d'une vieille maison qui dépérit ?

–Cette "vieille maison" comme vous dites est un monument historique, un élément de notre patrimoine à tous. On a tous une histoire en lien avec cet endroit.

"Tous" hein ? Kylian se mit à sourire. Jamais il n'avait entendu pareille connerie. Les habitants de Toleni aimaient juste croire au fait que cet endroit puisse être hanté ou habité par un quelconque esprit afin de justifier leur croyance, mais ce n'était pas le cas. Le manoir de Castelroc n'était pas hanté, il était pire que cela. C'était une porte, une porte donnant droit sur les enfers eux-mêmes.

– Vous allez me dire que votre grand-mère a été la bonne de la première famille et que du coup cela fait de vous l'héritière d'un quelconque secret, fit Kylian sur un ton des plus sarcastiques.

– Non, mais...

– Donc c'est bien ce que je disais. Vous aimez juste entretenir de stupides ragots, car c'est comme ça que vous vous faites votre blé, vous les journalistes. Vous gavez jour et nuit les habitants avec vos articles aux titres tous plus grotesques et absurdes les uns que les autres.

– Et dire que je commençais à tolérer votre côté acerbe, mais je vous trouve particulièrement... Méchant et je reste polie, siffla Édith.

– Ce que vous pensez de moi m'importe guère, je ne fais que dire ce qui est.

– Allons, allons, nous n'allons pas nous disputer alors que nous sommes ici tous les trois, n'est-ce pas ? intervint Grégory entre eux, Cependant Kylian a raison, tâchons de faire ce pour quoi chacun de nous est venu ici. Nous pour l'enquête et vous pour... Votre article. Je suis certain que vous saurez l'alimenter de vérité, Mademoiselle Lewis.

Mais c'était trop tard, Édith était piquée et la jeune femme ne comptait certainement pas se laisser ainsi malmener par le grossier personnage qu'était Kylian. Toutefois, cela était plutôt commun pour eux que de se chamailler, ce n'était pas leur première dispute et cela ne serait assurément pas la dernière.

– Ce que je propose pour que tout le monde puisse... Disons, souffler, c'est que nous nous séparions, continua le lieutenant, Ainsi, nous couvrirons plus de terrain.

– On reste ensemble, fit Kylian ne sachant que trop bien ce qui pouvait arriver à ceux se séparant.

– Et si l'envie me prenait de partir dans mon coin ? questionna Édith.

– Je vous menotterai à cette statue là-bas afin de m'assurer de vous retrouver quand on reviendra.

– Le terme "abus de pouvoir" vous est familier commissaire ?

Ce qu'il ne donnerait pas pour l'abandonner ici et maintenant tout en attendant dans un coin qu'un de ces soi-disant esprit arrive et ne l'emmène avec lui. Sans doute l'aurait-il fait si Grégory n'était-il pas en présence. Oh oui, il l'aurait fait. Il l'aurait emmenée là-bas. Là-bas, dans la cour, près des jardins. Là-bas, dans ce fameux coin, car il savait ce qu'il y avait.

Néanmoins, Kylian préféra se contenir, prenant une grande inspiration.

– Vous ne viendrez pas vous plaindre quand il vous arrivera malheur, finit-il par lui dire.

– Vous ne venez pas de dire que vous n'y croyez pas ?

– Je ne crois pas aux histoires de fantômes, Édith, je crois cependant aux dangers potentiels et réels que constitue une propriété abandonnée et donc non entretenue. Si vous tombez quelque part sans que l'on vous remarque et qu'il vous est impossible de vous manifester d'une façon ou d'une autre...

– Donc vous vous faites du souci pour moi maintenant ?

– Pensez ce que vous voulez, je ne vais pas perdre mon temps à tergiverser inutilement avec vous.

– Et après, c'est moi qu'on traite de vieux couples mariés, hein ? murmura Grégory qui n'avait rien dit, mais qui avait assisté à la discussion tel un arbitre lors d'un match de tennis.

C'est en se retrouvant sur le palier, confronté à ce qui pourrait se retrouver derrière cette porte, que le trio échangea un regard lourd de sens. Peu importe les croyances de chacun, tout le monde ici présent savait qu'il y avait quelque chose qui les attendait derrière : Des réponses pour l'un, des regrets pour l'autre et enfin... Un choix à opérer pour le troisième. Les trois étaient motivés par quelque chose de différent et pourtant, ils se retrouvaient là ensemble, comme si cela avait un autre sens que celui donné par la simple coïncidence.

Kylian ne le savait que trop bien : Le hasard n'existait pas. Il avait cessé d'exister il y a vingt-cinq ans de cela.

– Ne perdons pas de temps, ordonna le chef d'équipe.

Le temps se couvrait dangereusement, comme si la nature elle-même jouait contre eux afin de les pousser à l'intérieur du bâtiment, car à partir du moment où ils franchiraient les portes du manoir de Castelroc, il ne leur serait plus possible de revenir en arrière. 

Tout ce qu'il resteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant