Sans plus tarder, Kylian avait laissé le sort d'Édith entre les mains du destin, si tentait que "destin" pouvait être son nom. Il n'y avait aucun hasard dans ce qui se passait ici.
Cependant, s'il ne savait pas combien de temps cela prendrait, il n'avait pas attendu davantage et s'était dirigé vers les jardins, même s'il ne s'attendait pas à le retrouver là-bas, car connaissant Grégory, il avait dû trouver refuge ailleurs ou remonter une piste quelconque qu'il aurait trouvé digne d'intérêt. Mais qu'aurait-il trouvé ? Il n'y avait rien... plus rien. Les jardins du manoir n'étaient à présent qu'un vaste terrain désolé où seule une sorte d'herbe sauvage et invasive poussait. Dire qu'il fut un temps, cet endroit avait eu la réputation d'être le plus beau lieu de la ville et de nombreuses personnes venaient régulièrement s'y promener, mais ça, c'était il y a un autre temps. Peut-être même, il y a une autre vie.
Sa marche s'arrêta alors qu'il entendit le bruit que pouvaient faire des bottes provenant de son dos. Puis vint le claquement métallique d'une arme que l'on chargeait et enfin, s'installa le silence de la certitude.
– N'est-ce pas un petit peu lâche que d'abattre un homme dans le dos, et cela, même pour toi ? demanda-t-il alors très calmement sans se retourner pour autant.
– Je trouverai cela ironique que ce soit toi qui me donnes un cours sur la lâcheté.
– Je n'ai jamais dit que j'étais le mieux placé, mais tu n'es pas moi.
Non, Grégory était un héros. Une sorte de, tout du moins. Il voudrait avoir ses réponses avant de tirer même si au plus profond de lui-même, une petite voix lui criait d'ores et déjà de ne pas hésiter puisqu'une telle chance ne se représenterait certainement pas.
– Répondrais-tu à mes questions si je venais à te les poser ? l'interrogea celui-ci.
– Il est difficile de refuser un homme qui vous braque.
– Tu sais que j'y suis obligé.
– Crois-moi, Grégory, tu n'as aucune idée de la signification et du poids que peut avoir ce mot. Obligation.
Comment le pourrait-il ?
– Alors ? Que comptes-tu faire ? Vas-tu tirer et laisser mon sang se répandre tel un coulis de framboise sur le sol ou une part de toi continue-t-elle de jouer la réserve ?
– J'ai envie de croire que tu n'y es pour rien et qu'il y a une explication logique et rationnelle à toute cette...
– Folie ? coupa Kylian dans un ricanement.
– Mais il n'y en a aucune, n'est-ce pas ? Depuis le début, j'ai toujours eu ce doute implanté en moi, cette petite voix qui me murmurait des choses et qui me disait d'ouvrir les yeux, car tout était déjà là. Toutes les preuves dont j'avais besoin, mais étrangement... J'ai continué à porter des œillères. Du moins, j'ai souhaité en porter parce que je me disais qu'à un moment ou un autre, la logique reviendrait.
– Et quand est-ce que tu as compris que celle-ci ne reviendrait pas ?
– Dans le manoir.
– Évidemment.
Il n'aurait jamais dû les autoriser à y aller ou alors, il aurait dû faire ce qu'il avait prévu de faire depuis le début afin de taire leur curiosité maladive. Il aurait dû les abattre comme on abat un problème.
– Juste... Dis-moi ce que tu as fait d'Édith.
– Nous y voilà, hein ? Tu penses que je l'ai tuée et que j'ai disposé de son corps parce que je suis une sorte de...
– Je sais que tu y es pour quelque chose. C'est tout. On devait se rejoindre il y a cinq minutes de cela et Édith n'est pas là.
– Donc il te paraît plus simple d'imaginer que je l'ai assassinée plutôt que de penser au fait qu'elle est probablement tombée quelque part ou qu'elle aurait glissé ? Magnifique. J'ai vraiment dû descendre dans ton estime après toutes ces années à travailler ensemble.
– Kylian, je t'en supplie, je n'ai pas envie de jouer à ces petits jeux avec toi, je sais ce que tu essaies de faire.
– Tiens donc ! Et qu'est-ce que j'essaie de faire selon toi ? Dis-moi, je suis curieux. Ai donc l'amabilité d'éclairer ma chandelle.
– Tu gagnes du temps.
Si seulement ce petit fouineur n'était pas doté en plus d'une certaine perspicacité, alors peut-être que les choses auraient pu être différentes. Oui, peut-être qu'il aurait pu lui faire croire qu'Édith était tombée ou peut-être même qu'il aurait pu le convaincre qu'elle était retournée en ville d'elle-même et qu'il était tout simplement venu le prévenir. Mais non. Grégory le saurait, car il avait ce petit et ennuyeux talent qui faisait de lui un bon flic : Il savait quand les gens lui mentait.
Alors Kylian dégaina et un échange de tirs suffit pour faire couler le sang tandis qu'une balle vint se loger dans son épaule. Ce simple tir permit ainsi à Grégory de déguerpir à toute vitesse tandis que le Commissaire prit progressivement connaissance de l'ampleur des dégâts.
– Grégory, Grégory, Grégory... Si seulement tu n'étais pas aussi noble. S'en est presque horripilant.
Kylian savait que s'il l'avait voulu, la balle serait venue se loger entre ses deux yeux, mais il fallait croire que l'hésitation avait fait son travail et que celui-ci avait tout simplement fait en sorte de le blesser afin de s'enfuir à la première seconde où leurs regards se croiseraient.
Cependant, la fuite de Grégory avait aussi permis l'ouverture d'une nouvelle partie de chasse et Kylian possédait un avantage certain sur son adversaire : Il était sur son terrain de jeu préféré. Il n'y avait pas un endroit qu'il ne connaissait pas et il connaissait toutes les meilleures cachettes que pouvait offrir le manoir ainsi que sa propriété.
Ainsi donc, Merry s'occuperait d'Édith tandis que lui se chargerait de Grégory. Deux contre deux. Que le meilleur gagne.
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Tout ce qu'il reste
Misteri / ThrillerAs-tu déjà fait attention ? À cette maison située au bout du chemin ; celle qui se cache derrière les pins. Selon la rumeur, elle serait inhabitée. Pourtant, à plusieurs reprises, une silhouette, passant ici et là, derrière les fenêtres, nous a été...