Après ces deux derniers mois qui s'étaient avérés plus que chaotiques, le poste de police de Toleni avait enfin retrouvé son calme ambiant et sa sérénité. La pression mise par le Maire avait fini par s'envoler quand celui-ci avait tout compte fait accepter le rapport fourni par Kylian et les hommes du poste s'en étaient retournés à leur occupation favorite : Le commérage. Si habituellement celui-ci était subtilement alimenté par Grégory, ce dernier s'était fait relativement discret ces derniers jours, à tel point que Kylian et lui ne s'étaient pratiquement pas croisés. C'en était presque trop beau. Toutefois, le Commissaire avait conscience que ce bref instant de répits n'allait pas durer, car il y avait bien une raison pour laquelle son habituel pot-de-colle le fuyait ainsi et cette raison s'appelait...
– Mademoiselle Lewis, fit Kylian en la voyant plantée devant lui au milieu d'un couloir.
– Commissaire, quel plaisir de vous voir.
– Vous mentez comme un arracheur de dents, Mademoiselle. Que faites-vous ici aujourd'hui ? Aux dernières nouvelles, vous n'avez aucune raison de venir. L'affaire est bouclée à ma connaissance.
– C'est vrai... J'ai eu vent de la nouvelle tôt ce matin.
– Quel dommage que vous n'ayez pas pu écrire votre article. Je me réjouissais de pouvoir le lire.
– Visiblement, je ne suis pas la seule à mentir comme un arracheur de dents, n'est-ce pas Commissaire ?
Ils se dévisagèrent tous deux, gardant leur habituelle animosité pour l'un comme pour l'autre à demi cachée.
– Oh vous voilà ! intervint une voix.
Grégory. Que venait-il faire ici ?
– Chef, siffla ce dernier à peine respectueusement.
– Lieutenant.
– Pouvons-nous y aller à présent ? demanda Édith en passant son bras autour du sien.
– Vous sortez tous les deux ? les interrogea Kylian, surpris.
– Nous allons déjeuner... En tête-à-tête, précisa Grégory en le dévisageant.
– Exactement, en tête-à-tête, insista Édith.
Depuis quand ces deux-là sortaient-ils ensemble ? Il ne pouvait s'agir que d'un simple déjeuner et Kylian savait qu'en dehors des heures de bureau, ces deux-là devaient enquêter en douce sur le manoir et toutes ses légendes. Y étaient-ils retournés depuis ? Non, probablement. Il l'aurait su dans ce cas-là, car dieu seul sait qu'elle l'aurait prévenu.
Tout comme elle l'avait fait pour Chloé.
Ah la curiosité ! Un bien vilain mal.
Sans un mot supplémentaire de leur part ni sans aucun commentaire de la part de Kylian, il regarda le duo s'éloigner bras dessus, bras dessous, jusqu'à les perdre de vue au détour du couloir. Où allaient-ils ? Allaient-ils réellement déjeuner ? Que faisaient-ils ? Que se disaient-ils ? Avaient-ils fait des progrès ? Que recherchaient-ils ? Allaient-ils y retourner ? Toutes ces questions le submergèrent si violemment qu'il partit s'isoler dans son bureau, y faisant les cent pas.
– L'histoire se répète, l'histoire se répète, l'histoire se répète...
Et s'ils découvraient la vérité ? Non, c'était impossible. Personne ne l'avait jamais fait. Personne ne savait rien. Tout n'était que mythes et légendes pour les habitants tandis que pour les plus curieux d'entre eux... Eh bien disons que la vérité avait un prix.
Attrapant son manteau et sortant du bureau en toute hâte, Kylian prit la direction du manoir en se demandant s'il n'y trouverait pas déjà un certain duo d'enquêteurs sur les lieux. Quand bien même c'était le cas, que ferait-il ? Il ne pouvait très certainement pas s'occuper de deux personnes simultanément et il ne pouvait se débarrasser d'eux comme il s'était débarrassé de tous les autres jusqu'à maintenant. Une disparition pouvait s'expliquer.
Deux disparitions pouvaient tout compliquer.
Et Dieu seul sait que les choses l'étaient bien assez comme cela. Mais alors quoi ? Même en prenant le temps d'y réfléchir, aucune solution ne semblait lui sauter à la figure. Aucune si ce n'était...
En arrivant à hauteur du portail, il découvrit celui-ci à peine ouvert alors qu'il était persuadé de l'avoir refermé après leur passage, ce qui ne pouvait signifier qu'une chose : ils étaient là. Ils étaient tous les deux là. Quelque part. Quelque part autour du manoir.
Trouveraient-ils le puits ? Étaient-ils retournés dans la demeure ?
– Pourquoi les gens n'écoutent-ils donc jamais quand on les met en garde ? bougonna-t-il en apposant délicatement sa main à hauteur de sa ceinture.
Dégainant, Kylian avança avec prudence. Venir ici était une chose, comme à chaque fois, mais y repartir ? Cela relevait constamment du miracle et à l'heure actuelle, il en avait peut-être abusé des miracles.
Il se contenta donc de suivre les traces de pas marqués dans la neige. Deux jeux d'empreintes bien distinctes et cela ne fit que confirmer ce qu'il redoutait au plus profond de lui. Ils étaient ensemble.
Puis, le jeu d'empreintes finit par se séparer. Ils avaient dû prendre des chemins différents afin de se donner rendez-vous par la suite. L'un partait vers l'ouest, vers les jardins, tandis que l'autre partait vers le nord, vers le puits et donc sans hésiter Kylian prit la direction des traces lui semblant les plus légères. Des pas de femme sans aucun doute et pas de n'importe laquelle.
Les traces d'Édith C. Lewis.
Foutue journaliste.
– Comment chasse-t-on la biche déjà ? Ah oui, cela me revient maintenant.
En lui faisant peur afin de la faire courir pour l'épuiser. Puis, quand celle-ci se pensera en sécurité dans un petit coin reculé... L'abattre sans sourciller. Dans ce cas, on dirait bien que la chasse est ouverte.
VOUS LISEZ
Tout ce qu'il reste
Misteri / ThrillerAs-tu déjà fait attention ? À cette maison située au bout du chemin ; celle qui se cache derrière les pins. Selon la rumeur, elle serait inhabitée. Pourtant, à plusieurs reprises, une silhouette, passant ici et là, derrière les fenêtres, nous a été...