Chapitre 1

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La pluie tombe sur les pavés. Quelques gouttes se perdent sur la surface lisse des vitres. Elles roulent telles de grosses larmes jusqu'aux traverses de bois, rongés par la poussière et la pollution de la ville.

Une lampe clignote au plafond dans un petit bruit, elle grillonne sans que personne n'y prête une malheureuse attention. Sur le tableau noir, quelques écrits à peine distinct, qui ressemblent à une nuée d'insecte. Les élèves demeurent tous pencher, la tête dans leur cahier ou pour les plus chanceux, leur ordinateur. Certains chuchotent leur weekend, aussi étrange qu'il puisse paraître, formidable. D'autres s'occupent à dessiner dans la marge de leur cahier quelques traits sans sens attitrés. Certains finissent leur nuit au fond de la classe, cachés du regard du professeur, trop pris par la lecture de ses textes, à comprendre le sens des zeugma, des prosopopées ou des asyndètes dissimulés entre les lignes. L'oreille distraite, je perçois ce qui m'entoure. Parfois des bruits assourdissant, et si lourds à porter.

Je m'échappe en portant mon regard sur l'arbre qui trône au milieu de la cour centrale. Quel bel arbre, robuste, vaillant, le tronc élancé telle une flèche vers le ciel. Les gouttes d'eau osent s'échouer mollement sur les feuilles jaunies, colorées de feu, par l'automne .

Le vent fait dodeliner le feuillage et valser les feuilles dans les airs avant de les abandonner sur le bitume mouillé. Les laissant solitaires et orphelines, en un mot : abandonnées..

Quelle journée monotone. Je lâche un soupir tout en prenant de nouveau mon stylo. Je gribouille sur ma feuille quelques mots sans sens particulier, insensibles à mes yeux que le professeur de lettres évoque avant de passer à un autre sujet. Il écrit cette fois ci en belle en lettre polie, d'une calligraphie remarquable, les quelques noms des grands auteurs qui nous ont précédés. Dostoïevski, Kafka, Malraux, Gautier, tant de grands génies des mots.

Nerveusement j'en tortille un mèche de cheveux autour de mes doigts. Passer une main sur ma joue. Des tocs dont je ne peux plus me passer.

Nerveuse, pourquoi ? Peut-être à la vue de ce tas de copies entreposer là comme un trophée sur le bureau du professeur, monté sur une vieille estrade. Copie qui tourne sûrement entre deux et douze comme toujours. Je suis certaine des mots que le professeur va avancer en nous les rendant. Toujours les mêmes erreurs, aucun effort, vous devez connaître les œuvres, vous ne savez pas écrire et cetera.

Une certaine boule monte en moi, cette boule si familière, toute intégrante de moi. Ennemie hostile qui me fait plier le soir dans mon lit, aux larmes et à la complainte. Seule en silence, car personne ne comprend ce qu'il se passe dans ma tête .

Je ne me sens pas vraiment à l'aise. Surtout quand le professeur s'approcha du bureau pour s'accaparer des copies comme si c'était un précieux butin. Comme prévu les remarques négatives affluent.

Je baisse la tête, mes cheveux cachant mon visage sensible parfois aux larmes. Mon pouls s'accélère sans aucune raison. Ce n'est qu'une note. Un fichu nombre. Pourtant quand je la reçois je ressens tant de déception. Avoir tant travaillé, pour obtenir un chiffre entre quatre et huit est, je dois le dire, déprimant.

J'ai l'impression de décevoir tout le monde. Mes parents en particulier qui me voient déjà chercheuse à l'ENS. Je n'ai pas encore passé les concours. Mais pour eux c'est comme si j'y étais.

J'ai choisi une classe préparatoire littéraire surtout pour leur faire plaisir. C'est loin d'être mon rêve. Je veux être écrivaine, ou illustratrice, c'est mon rêve, mon secret. Heureusement que je peux encore m'attacher à cela pour ne pas sombrer.

- Elisabeth. tonne la voix du professeur, me sortant alors de mes pensées. Je redresse la tête et me saisit de ma copie le souffle coupé.

- Il y a du progrès mais ce n'est pas encore parfait. Tu dois peaufiner tes exemples, et ta méthode.

AfetisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant