Déguisée en bonheur

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« Rien ne dissimule mieux nos peurs que le maquillage impeccable et l'illusion parfaite que tout est sous contrôle, car ceux qui ne savent pas ne pose jamais de question »

Better days- Onerepublic ❤️

**"Papa a encore frappé maman."**

Ces mots, si simples, si quotidiens, sont devenus le refrain monotone de mon existence. Chaque coup est un écho, chaque cri un murmure lointain, à peine discerné dans le chaos qui règne dans mon esprit. Je suis seule dans cette tempête. Plus seule que jamais. Il n'y a plus de Dieu, plus de ciel, plus d'amour. Rien, sinon le vide infini qui s'étend devant moi, me tirant vers lui comme un abîme sans fin.

Je ne crois plus en rien. Comment le pourrais-je encore ? L'amour, ce mensonge que l'on nous vend comme un baume pour les âmes blessées, n'est qu'une chaîne de plus, une illusion créée pour nous asservir. J'ai cru en lui, autrefois, dans cette naïveté enfantine, mais l'amour m'a brisée avant même que je ne puisse le comprendre. Il a pris la forme de cris, de pleurs, de coups qui s'abattent sans répit, dans le silence d'une maison qui n'a jamais été un foyer. L'amour est une arme, une qui détruit, qui dévore, sans jamais rendre ce qu'elle prend.

Et Dieu... Dieu n'existe pas. Ou s'il existe, il détourne les yeux. Il nous a abandonnés depuis longtemps, comme une promesse brisée, laissant derrière lui une terre brûlée où rien ne pousse, sinon la haine. Que dire à un dieu qui permet tant de souffrance ? Que dire à un dieu qui regarde et ne fait rien ? S'il est là, il est cruel. Plus cruel encore que mon père, plus cruel que ce monde. Alors je refuse de le chercher. Il n'y a plus de place pour lui dans mon cœur. Mon cœur, ce n'est plus qu'un champ de bataille, réduit en cendres par des années de guerres invisibles, des batailles que personne n'a vues.

Je ne suis plus une adolescente. Je ne l'ai jamais été, pas vraiment. J'ai été volée par la vie avant même d'avoir eu le temps de m'y préparer. Le poids du monde m'a été imposé, lourd, intransigeant, sans pitié. Comment ai-je pu croire, ne serait-ce qu'un instant, que je pourrais échapper à cela ? Que je pourrais respirer sans sentir cette main invisible qui serre ma gorge, cette angoisse sourde qui me broie chaque jour un peu plus ?

**"Papa a encore frappé maman."**

Je m'enferme dans ma chambre, laissant le vacarme derrière moi, espérant que la porte pourra me protéger, ne serait-ce qu'un instant. Mais les bruits traversent tout. Ils me suivent, ils m'enveloppent. Il n'y a pas de refuge, pas d'issue. J'entends tout. Le son de sa main contre sa peau, les sanglots étouffés de maman, la rage froide de papa. C'est une symphonie macabre, toujours la même. Rien ne change. Rien ne changera jamais.

Alors, je me suis éteinte. Un jour, sans crier gare, j'ai cessé de ressentir. Plus de larmes. Plus de cris. Plus de révolte. Seulement une fatigue immense, une lassitude qui me ronge de l'intérieur. La douleur est devenue familière, presque douce dans son inexorabilité. Il n'y a plus rien que je puisse faire pour la fuir, alors je l'accepte. Je la laisse m'envahir, m'emporter. Je la laisse me consumer.

À quoi bon lutter ? À quoi bon espérer ? J'ai trop vu. Trop ressenti. Je suis devenue un corps vide, une coquille que la vie a dévorée de l'intérieur. Je n'ai jamais eu l'occasion de devenir une femme, ni même une jeune fille. La vie m'a avalée toute crue avant que je n'aie pu la découvrir. Aujourd'hui, je ne suis plus qu'une ombre, un fantôme qui erre entre ces murs, hantée par des souvenirs qui ne devraient pas être les miens.

Il n'y a personne pour m'entendre. Personne pour comprendre. Les autres... ils vivent. Ils rient. Ils pleurent. Ils tombent amoureux. Ils goûtent aux plaisirs simples que la vie peut offrir, à ce que je n'aurai jamais. Parce que je suis déjà morte, quelque part, il y a longtemps. Peut-être le jour où j'ai compris que je ne pouvais pas sauver maman. Peut-être le jour où j'ai cessé de croire en papa. Ou peut-être le jour où j'ai cessé de croire en moi. Peu importe. Tout cela est loin désormais, comme un rêve dont on ne se souvient plus, mais qui laisse un goût amer au réveil.

Fatebender Où les histoires vivent. Découvrez maintenant