La question que Camus qualifie de plus grande en philosophie est celle-ci : *La vie vaut-elle la peine d'être vécue ?* Une question à la fois simple et terrifiante. Terrifiante parce qu'elle nous oblige à nous confronter à l'absurdité même de l'existence, à la nature éphémère de nos jours, de nos amours, et de nos joies. Si la vie n'a pas de sens fondamental, pourquoi continuer à vivre ? Pourquoi nous attachons-nous si désespérément à cette flamme fragile et fugace ?
Nous, humains, avons cette tendance curieuse de ne pas accepter le monde tel qu'il est. Nous créons des récits pour échapper à l'inconfort de notre finitude. Nous bâtissons des concepts comme le paradis, une vie après la mort, parce que nous ne supportons pas l'idée de perdre les êtres que nous avons aimés, de laisser derrière nous des rêves inachevés. Nous imaginons des retrouvailles dans l'au-delà : revoir un ami disparu, un animal de compagnie, même un objet cher comme une voiture. Nous faisons de ces retrouvailles une raison de vivre, comme si elles venaient combler ce vide que la mort dessine si brutalement.
Mais cette projection n'est-elle pas une fuite ? Une manière de nier la réalité brute de notre existence : que nous ne sommes, au fond, que des compositions chimiques éphémères. Nous sommes des agrégats de molécules, d'atomes qui, une fois leur course achevée, retourneront à l'indifférence du cosmos. Le concept d'âme n'est peut-être qu'une invention de notre esprit pour masquer l'effroi d'un monde sans au-delà. Peut-on réellement croire que quelque chose de nous persiste après la mort, ou est-ce simplement une manière de ne pas faire face à l'inéluctable ?
Ce qui est frappant, c'est que notre attachement à ces idées, à ces espérances, masque souvent la vérité nue : la vie est peut-être sans autre finalité que celle que nous lui donnons. La quête de sens est une lutte perpétuelle contre le vide, et pourtant, c'est cette quête qui nous maintient en vie. Le bonheur n'est pas nécessairement ce que nous cherchons. Certains, comme moi ou peut-être comme vous, ont fait de la tristesse un refuge. Nous trouvons une forme de confort, voire de satisfaction, dans le malheur. Pourquoi ? Parce que dans cette tristesse, il y a quelque chose de familier, une intimité qui nous protège de l'incertitude du bonheur. Le bonheur est fragile, incertain, toujours à la merci de la perte. Alors que la tristesse, elle, est constante, elle ne trahit pas, elle ne se brise pas sous le poids des attentes.
Camus disait que l'absurde naît de cette confrontation entre l'appel humain à la clarté et le silence déraisonnable du monde. Ce silence, cette absence de réponse, c'est précisément là que beaucoup d'entre nous trouvent leur véritable drame. La vie vaut-elle la peine d'être vécue si elle ne répond pas à nos attentes de sens et de continuité ? Ou devrions-nous, comme certains le prétendent, nous résigner à ce silence et trouver un sens à l'absurde même ?
Peut-être la réponse se trouve-t-elle dans l'acceptation. Accepter que la vie, dans son absurdité, n'a pas besoin de justification cosmique. Que le paradis que nous imaginons n'est qu'une fiction douce destinée à apaiser nos peurs. Et si, au lieu de chercher des réponses dans l'au-delà, nous apprenions à aimer ce qui est, à chérir la beauté de l'instant, la rareté de chaque respiration ? Peut-être que dans cette acceptation, la vie trouve son sens, non pas dans l'éternité, mais dans la fugacité même.
Alors, la question demeure : *la vie vaut-elle la peine d'être vécue ?* Peut-être que la vraie question n'est pas si la vie vaut quelque chose dans l'absolu, mais ce que *nous* décidons d'en faire. Si le bonheur est éphémère, si la tristesse est constante, si l'après-vie n'existe pas, que reste-t-il ? Peut-être simplement cette liberté radicale de créer notre propre sens, de choisir, chaque jour, de continuer, malgré tout.
Ainsi, c'est dans cette absurdité même, dans l'absence de réponses ultimes, que nous trouvons paradoxalement la plus grande liberté : celle de donner à nos vies un sens que personne ne peut nous enlever.
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Fatebender
Misterio / SuspensoDès que les cartes furent tirées, je devins la pécheresse sacrifiée, et lui, l'ombre des enfers. Riley God William James, héritier d'une lignée maudite, dirigeait un cartel de sang insatiable, une famille dont la soif de pouvoir n'avait de cesse de...