Chapitre 10

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Il n'y avait pas de temps à perdre, selon Don. Une fois au courant de ma conversation avec Éveline Delcour, il avait décrété qu'une visite chez Maxime Chappelle s'imposait, et ce de suite. J'avais eu droit à la même rengaine du fer chaud à battre, en dépit du coup d'éclat des avocats de la famille ce matin. Nous avions un argument de poids à lui opposer si jamais il refusait de parler, et il valait mieux l'interroger dès maintenant, en minimisant les chances que son amante le prévienne.

Il était crucial d'avoir l'effet de surprise pour nous.

Nous atteignîmes son immeuble aux environs de 20 h 30 et, au lieu de passer par l'entrée principale, nous fîmes le tour pour vérifier les dires de la demoiselle. Je m'étais effectivement plantée quant à l'orientation de l'escalier de secours, le bâtiment était coincé entre deux autres et seuls deux murs aveugles se faisaient face de chaque côté, à moins d'un mètre l'un de l'autre.

Comme il n'y avait pas de passage à proprement dit, nous dûmes contourner le bloc jusqu'à la rue donnant sur la face arrière. Ce fut là que nous vîmes la fameuse allée qu'Éveline Delcour avait mentionnée. Elle aboutissait à une grille fermée qu'il suffisait de pousser pour la franchir. Nous nous retrouvâmes dans une cour ovale délimitée sur tout son pourtour par une haute haie soigneusement taillée. Le reste, par contre, laissait à désirer. Hormis quelques jardinières alignées près du mur de l'immeuble, il n'y avait que de la terre nue et des touffes d'herbes folles.

Nous aperçûmes ensuite la cage de l'escalier de secours, qui se terminait sur notre gauche, à deux pas d'une porte qui, elle, était bel et bien verrouillée lorsque nous en fîmes tourner la poignée. Ce devait être une issue dont seuls les habitants possédaient la clé.

Jusque-là, tout concordait avec le récit de l'étudiante énamourée.

Satisfaits de nos observations, nous retournâmes de l'autre côté et franchîmes l'entrée principale. L'ascenseur étant sur la gauche, je vis tout de suite ce qui m'avait échappé lors de ma visite précédente : un couloir sur la droite qui devait donner sur la porte fermée. Nous arrivâmes devant l'appartement de Maxime Chappelle et Doniel appuya sur la sonnette deux fois. Je me plaçai de sorte à ne pas être vue lorsqu'il écarterait le battant. On s'était mis d'accord avant, c'était à mon ex de mener la danse du fait de son statut de flic.

Femme pour femme, homme pour homme, réalisai-je non sans une pointe de cynisme.

Nous entendîmes des bruits de pas et je devinai que le neveu de la victime apparut dans l'entrebâillement.

— Vous ? Mais qu'est-ce que vous faites ici à une heure pareille ? Je pensais pourtant que le message envoyé par ma tante était clair. Vous avez fait tout ce déplacement en vain, je n'ai rien à vous dire.

Il voulut nous refermer la porte au nez, mais Don la bloqua avec son pied.

— Un instant, monsieur Chappelle. Je vous conseille de nous écouter très attentivement. Il serait en effet extrêmement regrettable de laisser passer l'occasion de régler à l'amiable l'affaire qui vous concerne et justifie notre venue.

— La seule affaire dont vous devriez vous occuper, officier, c'est la mort tragique de mon oncle Victor. Rien d'autre n'a d'importance. Au revoir.

Maxime Chappelle tenta de repousser le pied de Don, mais celui-ci tint bon et se dressa de toute sa hauteur.

— Et d'un, pour la énième fois, je ne suis pas officier. Et de deux, nous sommes pleinement investis dans l'enquête sur le meurtre de votre oncle. Et de trois, je vous prierais d'adopter un ton moins hostile envers un membre de la police qui se démène justement pour débusquer le tueur. Et de quatre, ce n'est pas parce que votre famille n'apprécie pas nos manières qu'il faut automatiquement en déduire que nous avons une dent contre vous. Cela s'appelle de la paranoïa, monsieur Chappelle. Nous faisons simplement notre travail, peu importe où cela nous conduit et que ça vous plaise ou non.

Le prix du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant