Chapitre 19

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Nombre de questions restaient sans réponse quant aux motivations et à l'organisation détaillée des braqueurs. Que les Crocs de fer soient partie prenante ou seuls maîtres à bord, l'objectif du commanditaire demeurait un mystère. Mon exploration de la maison d'Alain Guerd confirmait que cet homme s'attelait à dessertir les bijoux volés, et donc que les coupables cherchaient bien à les refourguer sous une forme différente.

Que pouvaient-ils en tirer ?

Tout d'abord, le plus logique : de l'argent.

Pour quoi faire ? Ça, on en avait tous besoin, et pour une chiée de motifs différents. Le gang était-il à ce point en dèche de liquidités qu'il s'abaissait à dépouiller des prêteurs sur gages ? Avec leur réputation et leur équipement, autant braquer une banque, ce serait plus rapide et plus efficace.

Et plus dangereux aussi, c'était vrai.

J'avais eu beau gratter la surface et obtenir des belles avancées, c'était presque comme si chaque pas en avant était suivi d'un autre en arrière. Pire encore, je risquais désormais d'être dans le collimateur des responsables. J'avais certes foi en Margot, mais elle ne pouvait me protéger de tout en toutes circonstances. Sans céder à la panique, force était de constater que je me retrouvais en fâcheuse posture.

Et si c'est pas pour le blé, qu'est-ce qu'ils gagnaient à écouler de la marchandise volée ? Peut-être pour du troc entre malfrats ? Après tout, je ne savais toujours pas ce qu'ils comptaient faire des objets autres que les bijoux. Cependant, plus j'y pensais, plus j'y voyais un bel écran de fumée destiné à dissimuler le but réel de la manœuvre.

Installée à mon bureau, je me grattai vigoureusement la tête.

Je venais de passer en revue la liste des biens dérobés pour me rafraîchir la mémoire, et j'étais quasi certaine d'avoir effectivement deux correspondances avec ce que j'avais vu dans la pochette de l'ancien bijoutier, toutes concernant le quatrième braquage. Ce qui suggérait que le reste appartenait au suivant, dont la fameuse chevalière que j'avais prise. Elle était posée près de moi, sa surface brillant à la lumière de ma lampe de bureau.

Agir ainsi faisait de moi une voleuse, je le savais, mais comme il s'agissait d'un objet déjà subtilisé, est-ce qu'en définitive, ça ne s'annulait pas ?

Un raisonnement de gamine...

Quoique, c'était pas en primaire qu'on apprenait que deux nombres négatifs qui se multipliaient donnaient obligatoirement un résultat positif. J'étais loin d'être un génie en maths, mais j'avais réussi à retenir ça.

Je repoussai mon dossier et pris le bijou entre mes doigts. Je fis ce que j'avais eu l'intention de faire dans la cave du retraité, c'est-à-dire la placer sous la lumière pour l'observer de plus près. Penchée dessus, je fronçai les sourcils. J'étais absolument convaincue de connaître le dessin du blason. Il avait grosso modo la forme d'un épais demi-cercle en onyx artistiquement dessiné et légèrement recourbé aux extrémités, enchâssé dans l'argent.

Je clignai des yeux.

Mais quelle gourdasse je suis! faillis-je m'écrier.

Ce n'était pas un demi-cercle anodin, non, c'était une lettre. Et pas n'importe laquelle, la troisième de l'alphabet, un C majuscule. Or, quelle célèbre entreprise avait pour symbole un losange bleu d'où émergeait, en blanc, une telle lettre ?

Le second constructeur automobile du Lanstrelet, dirigé par la seule et unique famille Chappelle !

Qu'est-ce qu'une chevalière frappée de ce signe foutait dans un butin issu d'une boutique de prêteur sur gages de la presqu'île ?

Le prix du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant