Chapitre 31

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C'était à n'y rien comprendre. Après le départ de Timothée Vimosa, on m'avait fait sortir de la pièce et j'avais tué le temps dans ce qui s'apparentait à la salle de repos du commissariat, avec un canapé défraîchi, une pile de revues plus ou moins récentes et un coin évier doté d'une cafetière. J'avais l'impression que la majorité des flics de l'Antigang avait déserté les lieux et mon duo d'interrogateurs, Durant et Durand, était aux abonnés absents.

Sous l'œil attentif de l'agent Gamert, dont le Mijoteur semblait avoir fait son larbin temporaire dévolu à ma surveillance, j'avais bénéficié d'un reclassement appréciable. J'étais toujours enfermée dans une cage, mais, au moins, je pouvais m'allonger et fermer les yeux sans qu'on vienne me déranger.

Bien entendu, ça n'avait pas duré.

En milieu de soirée, un policier que je n'avais pas encore vu avait fait irruption pour me mener à l'étage par un escalier en colimaçon. Là-haut, j'avais revu Don et on s'était longuement enlacés sans faire grand cas de la présence d'autrui, tout à notre joie de nous retrouver. Laissés supposément seuls pendant près de vingt minutes, nous nous étions raconté ce que nous avions vécu chacun de notre côté. Pas de surprise, on l'avait passé à la même moulinette que moi et j'avais appris que c'était Ugo Scianti, le collègue de mon meilleur pote des AIPN, qui s'était chargé de prendre le relais de l'Antigang.

En soi, il ne m'avait pas menti, son acolyte était effectivement occupé ailleurs... juste au-dessus de nous.

Nous étions tous deux décontenancés par l'ingérence de la police des polices vis-à-vis de la fusillade entre nous et les Crocs de fer. Quelque chose ou quelqu'un était à l'œuvre derrière ça, et nous nagions en plein brouillard.

Si les flics avaient cru que nos retrouvailles nous trahiraient de quelque manière que ce soit, c'était raté. Nous étions sur la même longueur d'onde et n'avions rien caché au cours de nos interrogatoires. Une attitude tout à notre honneur qui, je l'espérais, nous faisait marquer des points auprès de ceux qui avaient notre destin en main.

Lorsqu'on était venu me rechercher, j'avais repris des couleurs, même si j'ignorais combien de temps s'écoulerait avant de revoir mon homme.

Ensuite, ça avait été retour au canap' et dîner express du même acabit que le déjeuner faussement improvisé. Ne pas savoir ce qui se passait hors de la salle de repos me mettait les nerfs en pelote.

Je craignais avant tout que Maxime Chappelle n'échappe à la police, ne serait-ce que momentanément. Le traumatisme qu'il avait subi dans la matinée pouvait aussi bien le faire craquer que l'inciter à se refermer complètement.

Quant aux Crocs de fer, le cauchemar était-il réellement terminé ? Au fond de moi, je me demandais si tout cela n'allait pas finir avec un contrat sur ma tête émanant des huiles de la Gallak Tuodo. Ou bien, il se faisait tard et mon esprit s'emballait en surestimant mon importance.

Quoi qu'il en soit, j'avais sombré dans un demi-sommeil troublé, l'agent qui veillait sur moi étant pour sa part relevé peu après minuit. Il avait été remplacé par un gros lard qui mastiquait en permanence de la gomme à mâcher.

La nuit s'était déroulée dans une étonnante tranquillité. J'émergeais de mon état de semi-conscience dès que je captais des bruits de pas, mais ce n'était jamais pour venir ici. Au bout du compte, l'aube avait succédé aux ténèbres et, vers huit du matin, un flic était entré, m'avait rendu toutes mes affaires, sauf mon arme, et m'avait annoncé de but en blanc que je pouvais partir.

Je l'avais logiquement assailli de questions et n'avais récolté qu'un mutisme total qu'aucune de mes tentatives n'était parvenue à rompre. Je m'étais enquise de la situation de Don, sans plus de succès. Comme le type ne semblait pas ravi de me laisser filer, j'avais fini par renoncer et me retrouvai ainsi debout sur le trottoir, seule, sans moyen de locomotion, à une heure où j'avais l'habitude d'être au pieu en train de terminer ma nuit.

Le prix du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant