Chapitre 26

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Levée aux aurores, je mis en branle mon plan après une douche et un petit-déjeuner vite expédiés. Sans surprise, j'avais une tête à faire peur qu'aucun artifice ne put vraiment embellir. Un regard par la fenêtre m'apprit qu'une bruine délicieuse arrosait la ville. D'après les météorologues, le temps se radoucissait enfin et, au lieu de se peler le jonc, il allait pleuvoir à verse dans les jours à venir.

Quand ça veut pas, ça veut pas...

On était à moins d'un mois de l'hiver et je n'avais déjà qu'une hâte : que le printemps repointe le bout de son nez.

Je m'habillai donc en conséquence, en prenant soin de dissimuler au maximum mes signes distinctifs. Un gros bonnet sur la tête, une écharpe autour du cou, les cheveux planqués sous le manteau, des vêtements plutôt masculins, et le tour était joué. En prime, j'emportais également mon pistolet. Ça ne résolvait pas tout, mais je me sentais moins exposée.

C'était la partie facile de l'opération. Dès que j'eus fini les préparatifs, je quittai mon appart' sur les coups de 6 h 30 — bon Dieu, fallait-y pas que ce soit vital pour que je sorte à une heure pareille... — et descendis jusqu'au garage. Il était trop tôt pour que Margot s'active, elle devait être encore au pieu. Une fois là-bas, je me positionnai près de l'interrupteur qui actionnait la porte basculante en métal et attendis.

La veille au soir, je m'étais étendue sur mon canapé pour réfléchir. Au fond de moi, je rechignais à impliquer une de mes voisines. Par sécurité, je préférais les maintenir à l'écart de tout ce qui avait trait à mon métier. Elles avaient plus que mérité une vie tranquille, loin des dangers inhérents à mon boulot.

Tout bien considéré, mes options étaient assez limitées. Soit je faisais cavalier seul avec le danger que ça impliquait, soit je me tournais vers l'unique personne à même de m'aider dans une situation aussi merdique. En fin de compte, je n'avais pu me résoudre à poursuivre en solitaire. Je ne voulais pas l'admettre, mais je crois qu'en fait, j'avais besoin d'une présence rassurante, et pas n'importe laquelle.

J'avais ainsi rappelé Doniel, et nous avions eu une longue discussion où, cette fois, je ne lui avais rien caché du péril qui me guettait. Évidemment, il s'était vivement inquiété et m'avait engueulée, me reprochant mon manque de franchise lors de notre conversation précédente. Je n'en menais pas large et n'avais pas eu grand-chose à dire pour ma défense. J'avais donc patienté le temps que la tempête se calme pour exprimer ma requête avec force diplomatie, repentir et pot de pommade très grasse : qu'il passe me prendre le lendemain vers 6 h 30 afin de jouer les chauffeurs. J'abusais clairement, je le savais. Il était supposé rester près de chez lui et ne surtout pas faire de remous, tout l'inverse de ce que je lui demandais. Au début, j'avais essuyé un refus net : je devais obéir à Margot et attendre que ça se tasse. J'avais alors travaillé mon ex au corps — simple expression, bien sûr — et arraché une victoire de haute lutte. Tout bougon, Don avait lâché du bout des lèvres qu'il consentait à me véhiculer et que j'avais intérêt à obtenir des résultats, sous peine de passer un sale quart d'heure.

Pour lui autant que pour moi, les enjeux étaient grands.

À l'heure prévue, pas une minute de plus ou de moins, j'entendis une voiture s'immobiliser de l'autre côté de la porte du garage. Je laissai passer quelques secondes au cas où il s'agirait de quelqu'un d'autre et déclenchai la bascule du lourd montant. Je battis en retrait pour ne pas être vue de l'extérieur et la Sixo de Doniel se découpa dans l'embrasure. Il s'avança doucement et, dès qu'il m'aperçut, se dirigea vers moi. Tandis que la porte se refermait automatiquement, il coupa le contact et sortit du véhicule.

Tout de suite, je notai qu'il faisait la tronche.

— Tu es resplendissante, dis-moi, me lança-t-il en guise de salutation.

Le prix du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant