Chapitre 17

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Garée en face d'une des bijouteries de la vieille ville, je me repassai mon plan en tête. C'était osé, comme souvent avec moi, mais je n'avais rien trouvé de mieux. Toutes les autres méthodes auxquelles j'avais songé étaient trop chronophages ou requéraient le don d'ubiquité. Une fois de plus, le culot et un soupçon de chance me permettraient peut-être de mettre le doigt sur l'un des chaînons manquants de ces maudits braquages.

Avant d'enfoncer une première porte, au sens figuré du terme, je m'étais renseignée afin de vérifier mon intuition et j'étais à présent certaine de m'être engagée sur une voie prometteuse. Outre la possibilité que les coupables conservent leur butin au chaud dans un endroit tenu secret, il m'était venu l'idée que, la grande majorité des biens volés étant des bijoux, ils pouvaient également en faire autre chose. Et, par autre chose, j'entendais faire appel à un professionnel. En effet, les joailliers étaient capables de les désassembler pour récupérer pierres et métaux précieux, les unes pouvant être enchâssées ailleurs et les autres fondus dans le but de façonner un autre bijou.

Merci maman pour ce coup de pouce venu de nulle part.

Je n'avais toujours aucune garantie de viser juste, mais j'y croyais et c'était le plus important. Il y avait quelque chose dans l'attitude des braqueurs me disant que ces types n'étaient pas du genre à patienter sagement avant de vendre leur marchandise. Si les bijoux dérobés demeuraient invisibles, ce pouvait être tout simplement parce qu'ils n'existaient plus en tant que tels. Néanmoins, je n'avais pas encore d'explication pour les tableaux, montres et autres objets n'appartenant pas à cette catégorie. De la même façon, j'étais peut-être complètement à côté de la plaque, et les braqueurs faisaient appel à un receleur inconnu du circuit ou expédiaient leur butin à l'autre bout du continent.

Ça valait malgré tout le coup d'essayer, même si, ce faisant, je bousculais d'honnêtes commerçants.

Mon approche était simple : aborder les différents bijoutiers de la vieille ville en endossant le rôle d'une de leurs complices. Il fallait que je sois assez précise pour faire tilter le joaillier que je cherchais tout en restant assez floue pour ne pas me compromettre en public. Mon but était de le pousser à cracher le morceau sans que j'aie à me montrer trop explicite. Accuser frontalement quelqu'un d'un crime qu'il n'avait pas commis était une tactique qui risquait de se retourner contre moi.

Évidemment, interroger tous les bijoutiers de Simargue me prendrait une éternité et j'allais pas me lancer dans cette tâche au petit bonheur la chance. J'avais décidé de me concentrer d'abord sur les quelques-uns de la presqu'île, puis sur ceux qui gravitaient autour du quartier des Alouettes. Je partais de la vieille ville pour une raison évidente : tous les braquages ayant eu lieu dans le secteur, les responsables étaient potentiellement plus près que je ne le pensais, sans lien aucun avec les Crocs de fer. Si je faisais chou blanc sur toute la ligne, j'agrandirais progressivement mon cercle de ratissage, même si ça voulait probablement dire que je me gourais dans les grandes largeurs.

Qui sait, en secouant tous ces cocotiers, je peux tomber sur une noix surprise.

En substance, voici à quoi ressemblaient les conversations qui suivirent :

— Bonjour, monsieur.

— Bonjour, mademoiselle. Que puis-je faire pour vous ?

— Je viens de la part d'amis communs. Ils m'ont dit que je pouvais passer prendre une nouvelle livraison.

Froncement de sourcils du commerçant.

— Je ne suis pas sûr de vous suivre.

— Mais si, vous savez, ces gens avec qui vous faites affaire pour retravailler les bijoux qu'ils vous apportent régulièrement.

Le prix du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant