Chapitre 25

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Ma bouche béa de stupeur. Je demeurai figée de longues secondes à mesurer les implications d'un tel revirement de situation. Tout ce que j'avais échafaudé à la Grande bibliothèque vacilla soudain sous les fortes rafales que représentait la mort d'Auguste Chappelle.

— Comment ça, pendu ? finis-je par dire, hébétée.

— Tu as bien entendu. Il s'est suicidé hier après-midi, alors que sa femme et sa fille étaient sorties se promener. Mais il y a encore plus important, Rachelle : il a laissé une lettre d'aveux où il reconnaît le meurtre de son frère et d'Hortense Mir.

De rafales, le vent se fit tempête, et mon édifice bringuebalant s'inclina dangereusement sur le côté, manquant s'effondrer sous les coups de boutoir d'éléments déchaînés.

— Attends, donc ça veut dire...

— ... qu'il se serait pendu à cause d'une culpabilité finalement trop écrasante, oui. En laissant un joli papier pour justifier ses gestes.

— Tu y crois, toi ?

— Je ne sais pas vraiment quoi en penser, surtout maintenant que je ne suis plus sur l'enquête.

— Quoi ?

Un rire sans joie résonna dans le téléphone.

— Tu as plusieurs trains de retard, je le crains. On m'a suspendu dès que les AIPN ont eu ton témoignage. Je suis en attente des conclusions de leur enquête.

— Tu déconnes, Don... J'suis vraiment...

— Ne commence pas, Chellie, me coupa-t-il. Tu as fait ce qu'il fallait. Mentir n'aurait servi qu'à retarder l'inévitable. Ce qui est fait est fait. Le tout est désormais d'assumer et de faire notre possible pour ne pas gêner mes collègues.

Son calme me fit sortir de mes gonds.

— Ça te fait rien d'être mis sur la touche ?! Comment tu peux me sortir un truc pareil, à la fin !

— Ne t'énerve pas, je t'en prie. J'étais conscient des sanctions auxquelles je m'exposais en coopérant avec toi. J'ai simplement choisi de croire que tout se passerait sans anicroche. Force m'est de constater que j'ai eu tort.

Le coup du « ne t'énerve pas » provoquait immanquablement l'effet contraire, c'était empiriquement prouvé. Je serrai le combiné si fort que je crus sentir le plastique ployer au contact de ma peau.

— À ta place, je serais verte, bordel ! C'est pas comme si t'avais commis le péché du siècle... quoique, « bosser avec un privé », ça doit être juste en dessous de « devenir un flic véreux » sur l'échelle de la trahison. Quelle rivalité de merde, j'te jure...

— Ce n'est pas moi qui vais te contredire..., approuva Don d'un ton las.

— Qu'est-ce que je vais faire, maintenant ? m'interrogeai-je plus pour moi que pour lui.

— Et si tu m'expliquais tranquillement pourquoi tu cherchais à joindre Auguste Chappelle ?

J'avais le cul entre deux chaises. D'un côté, sa proposition était alléchante, m'ouvrir à lui pourrait m'aider à décider de la suite ; d'un autre côté, ma théorie me semblait si extravagante que je me disais qu'il n'y croirait jamais sans avoir de quoi l'étayer. S'il me rembarrait et que je me retrouvais coupée dans mon élan, bonjour la super soirée en perspective.

Broyer du noir, ça me connaît... mais ça va, j'ai assez donné.

Qui ne tente rien n'a rien, c'était bien connu.

Je lui racontai alors ce que j'avais fait tout au long des jours ayant suivi notre dernière conversation, en occultant malgré tout le danger qui planait au-dessus de ma tête afin de ne pas l'inquiéter outre mesure. J'aurais pu abréger et en venir directement aux conclusions, sauf que je tenais à le guider pas à pas afin de l'amener à comprendre mon point de vue, au lieu de lui balancer à la tronche le bousin brut de décoffrage.

Le prix du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant