Chapitre 4

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Le solini était le seul jour de la huitaine où Victor Chappelle ne travaillait pas. Sur l'emploi du temps de sa femme, la journée était grisée avec la mention « Repos à la maison ». Il ne comptait donc pas sortir du domaine.

Alors que je prenais mon petit-déjeuner, mon cœur balançait. Je pouvais soit me fier à cette feuille de papier, soit en douter et me foutre en planque près de chez eux pour guetter une sortie inopinée de monsieur le PDG. Avec tout ce qui s'était passé depuis luni dernier, j'avais besoin de m'aérer l'esprit.

Faut que je pense à autre chose...

Tant pis pour la surveillance, j'avais moi aussi le droit de prendre un jour de congé.

Le bilan de la huitaine n'était pas très reluisant. Je n'avais rien appris de solide et la seule surprise se résumait à la visite de la veille. En parler à Ariel Chappelle m'apprendrait sans doute au moins qui habitait là-bas. Peut-être que ça l'intéresserait, mais je ne comptais pas trop là-dessus.

J'eus alors une idée lumineuse : puisque j'avais enfin du temps libre, c'était l'occasion parfaite de revenir à la requête de Margot et d'interroger les prêteurs sur gages.

Toute contente de ma décision, je pris le volant et consultai la liste des victimes que j'avais dressée avec ma proprio. Le plus près était Magritt, le dernier braqué en date. Je roulai jusqu'à son « commerce » et vis que le rideau métallique était baissé.

Mais je suis complètement débile, ma parole!

Eh oui, le solini, tout était fermé.

De lumineuse, mon idée sombra dans les tréfonds de la bêtise. La prochaine fois, je ferais mieux de réfléchir à deux fois avant de me féliciter pour mes initiatives prétendument avisées.

Par acquit de conscience, je poussai jusqu'à un second prêteur sur gages, mais l'issue fut identique. Je me traitai de tous les noms et rentrai chez moi en rogne.


Le lendemain, je n'étais guère de meilleure humeur. Je me préparais à rejoindre mon bureau comme un condamné marche vers l'échafaud. Morose, j'effectuai ma routine matinale en silence, sans même allumer la radio. Arrivée sur mon « lieu de travail », je consultai ma messagerie : vide, comme souvent.

Commença alors une longue attente fébrile.

Mon pied tapait régulièrement contre le sol et je m'occupais les mains comme l'esprit du mieux que je pouvais. Dès que j'entendais un bruit proche, je tendais l'oreille vers la porte, mais ce n'était jamais Ariel Chappelle.

Finalement, quand 13 heures sonnèrent, je dus me rendre à l'évidence : ma cliente ne viendrait pas. Et je ne savais pas quoi en penser. Me posait-elle un lapin volontairement, comme si elle savait déjà que je n'avais rien de concret à lui présenter, ou avait-elle juste un empêchement de dernière minute ?

Elle aurait pu au moins me prévenir par téléphone...

Puisque j'étais sans nouvelles d'elle, je décidai de mettre l'affaire en sommeil pour le reste de la journée. Après tout, elle ne m'avait pas expressément demandé d'enquêter au-delà de la huitaine passée. De plus, sans nouvel emploi du temps, il se pouvait très bien que son mari se soit absenté du siège sans que je le sache. La perspective de poireauter des plombes près de l'immeuble dans l'unique espoir de tomber sur lui par hasard ne m'enchantait pas vraiment.

Ce coup-ci, c'était la bonne, j'allais me mettre sur cette histoire de braquage le temps d'un après-midi.

Je fermai mon bureau et retournai sur la presqu'île en mangeant un bout en chemin. La première adresse où je me rendis se situait au nord du Vieux-Port, en plein dans la zone touristique.

Le prix du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant