The 100 : VISION

10/ Nuée toxique

Je resterais à jamais marquée par la première fois où j'ai commencé à faire des rêves bizarres. J'avais 10 ans. En ce temps-là il y avait une sorte d'épidémie à travers l'Arche, ce qui voulait dire que ma mère travaillait beaucoup. Et donc que j'étais souvent seule à la fin de la journée.

Mais ce soir là été particulier. Il l'était parce que moi aussi, comme ceux qui avaient des symptômes de l'épidémie, j'avais de la fièvre. Mais ma mère avait déjà assez de travail, et les rares fois où je la voyais elle était exténuée. Je me disais donc que je ne pouvais pas lui rajouter du travail en plus en lui déclarant mes symptômes.
Je suis donc restée sur mon lit, la vue trouble, le front brûlant et une bassine en métal à mes côtés pour mes multiples envies de vomir. Ce soir là j'étais convaincue que j'allais mourir, que ma mère allait rentrer le lendemain et trouver mon corps sans vie plein de sueur. Bien sûr à partir du moment où mes symptômes ont commencé à devenir plus sévères j'ai voulu l'alerter, mais c'était trop tard. J'étais trop faible pour me redresser. J'avais seulement assez de force pour tourner ma tête sur le côté et vomir.

Et c'est là que je l'ai vu. La Terre. Je l'ai vu comme ci j'étais là-bas, comme ci je connaissais l'endroit. Je voyais les feuilles, l'herbe, les arbres, les lacs, les rivières, le ciel, les étoiles, les animaux. J'étais une terrienne. Il y avait aussi cette énorme maison, une maison très ancienne, je crois qu'elle avait un style victorien qu'on ne retrouve plus que dans les livres et les vielles images du passé. Il y avait cette femme tout en rouge, entourée de personnes portant seulement des peaux d'animaux. Sur le moment, en voyant ça j'ai eu peur. J'ai cru que c'était une certaine version du Paradis, validant le fait que j'étais morte. Puis ensuite je me suis apaisée, car une voix à mon oreille me disait que là où je me trouvais était un endroit sans douleur et sans regret. Et que là, tous les gens que je connaissais ne mourrais jamais.
La femme en rouge m'a demandé si je voulais les rejoindre, et évidemment j'ai voulu dire oui. Parce que qui ne voudrait pas d'un monde parfait comme celui qu'elle me présentait. Mais avant même que je ne puisse donner ma réponse à voix haute, la femme m'a arrêté et m'a dit que ce n'était pas encore le moment. Que mon temps viendrait. Mais j'étais trop jeune à ce moment-là, je ne comprenais rien. Et ensuite la douleur est revenue, je suis sortie de ma transe et j'ai oublié tout ça.

Je n'y ai jamais repensé, jusqu'à maintenant. J'y pense maintenant alors que Jasper souffre. J'y pense maintenant alors que j'essuie ses larmes sans pouvoir rien faire de plus. Et aussi bête que ça puisse paraître je me mets presque à espérer que ce que j'ai vu en rêve soit réel. Un monde sans douleur, un monde ou Jasper irait mieux.

- Je comprends pas pourquoi il agonise comme ça, les natifs ont cautériser la plaie non ? dis-je en me rongeant les ongles alors que Clarke fait je ne sais quoi au dessus de Jasper

- Ils lui ont sauvé la vie oui. répond la blonde

- Ils l'ont fait pour s'en servir comme appât. rajoute à son tour Finn. Si c'est ça le paradis...

- Mais ça c'est infecté. reprend Clarke. Y'a un risque de septicémie.

Face à la constatation de Clarke, je ne peux m'empêcher d'échanger un regard inquiet avec Monty, tout en tentant de ne pas fondre en larmes.

- T'as réussi à connecter les bracelets pour pouvoir contacter l'Arche ? reprend Clarke en direction de Monty. Monty ?!

- Non. J'ai pas encore réussi. murmure le garçon

- Nos mères sauraient quoi faire si elles étaient là. murmurais-je à mon tour un sanglot dans la voix

En nous envoyant ici, l'Arche n'a t-elle pas réalisé à quel point c'était irresponsable ?! À quel point laisser une bande de gamins se débrouiller pour leur survie pourrait être mortel ?! Est-ce qu'on est si peu important que ça à leurs yeux ?!
Alors qu'un cri de révolte se forme petit à petit au creux de mon ventre, Wells apparaît à son tour à l'étage de la navette le visage grave.