Daemonium

Chapitre 12

Le lendemain de sa dispute avec Ultan et Annie, Augusteen avait reçu la visite de l'adjutor dans son bureau pendant qu'elle était occupée à répondre à ses devoirs de Maîtresse. Elle allait le renvoyer d'où il venait lorsqu'il demanda à ce qu'on lui accorde une petite conversation sans cri ni animosité. La nouvelle meneuse avait accepté, croisant les bras et les jambes.

Il débuta par des excuses par rapport à son comportement de la veille, puis poursuivit par des explications concernant le rôle de chacun d'eux dans cette histoire :

— Il faut nous comprendre. S'il arrive quelque chose à Donn, on en paiera le prix fort.

— Attends, le coupa la rousse, tu es en train de me dire que...

— La vie du Gardien et de l'adjutor est liée à celle du Maître, confirma-t-il en terminant la phrase à sa place. Quand le Maître mourra, eux aussi, et une nouvelle paire de jumeaux les remplacera au même moment où le descendant prendra son rang.

— Mais ça veut dire que, lorsque Donn mourra, toi et Annie, vous mourrez aussi. Et Judith et Jude accompliront leur Destin. Mais alors pourquoi Annie n'est pas morte lorsque Donn a tué Arnel ?

— Parce que les jumeaux Lloyd n'étaient pas à Daemonium, Annie ne pouvait pas être remplacée.

— Pourtant tu as bien pris la place de Jude.

— L'Énergie m'avait désigné bien avant. Je ne peux pas te l'expliquer, mais elle savait ce qui allait arriver et m'avait déjà lié sentimentalement à Donn.

— Et alors ? Quelle différence avec Annie ?

— Un Gardien n'a pas la fonction de protéger directement le Maître. Sa tâche n'est pas pour n'importe quel Nabla ; il s'agit de garder des Souvenirs, mais aussi des âmes. Annie a un Destin depuis quasiment sa naissance, son Énergie continue d'exister uniquement pour cette mission et l'a fait grandir dans ce but unique.

— Mais protéger le Maître et le guider, ça, n'importe quel Clair peut le faire, ironisa la jeune femme.

— Ce n'est pas donné à tout le monde, mais en soi, oui, répondit Ultan avec un regard qui s'était durci. J'étais juste celui qui devait comprendre.

Lorsqu'il prononça ces mots, Augusteen s'était souvenue de ce que Salmoneus lui avait dit : Ultan était son ami d'enfance et il détestait les Ombres, l'Énergie avait donc besoin d'une âme comme la sienne pour s'occuper du nouveau Maître.

* * *

Une vingtaine de jours après que la guerre civile ait été déclarée, en milieu d'après-midi, Ultan – qui travaillait dans le salon de la Maison du Maître en repensant à cette discussion avec Augusteen – ressentit soudainement un pincement au cœur, comme si l'Énergie voulait le mettre au courant de quelque chose d'important. Sans réfléchir, l'adjutor laissa tomber tout ce qu'il était en train de faire et accourut au deuxième étage pour finalement se retrouver devant la porte de la chambre de son ami. Par réflexe, il toqua et une voix grave l'invita à entrer.

Surpris, ne réalisant pas réellement ce qui était en train de se passer, le Clair enclencha la poignée et poussa la porte qui s'ouvrit en grand, laissant apparaître une silhouette debout devant la fenêtre. Sous le choc, l'adjutor tomba à genoux, les yeux emplis de larmes qu'il tentait de retenir. Vêtu d'une chemise blanche, qui laissait deux ouvertures pour ses grandes ailes noires, et d'un pantalon en toile noir, Donn-Sleibhe Ronwold lui faisait face.

— Ce n'est pas... C'est impossible, balbutia le Clair.

— Ultan, mon cher ami, ça me fait plaisir de te retrouver aussi, parla l'homme aux longues plumes noires.