Daemonium

Chapitre 13

Augusteen s'était finalement endormie, épuisée après avoir tant lutté contre ses propres démons. Elle méritait bien autant de repos qu'il le faudrait. Donn-Sleibhe l'avait portée jusqu'à son lit et l'avait bordée avec le plus grand soin après lui avoir retiré l'arc et le fourreau dans son dos. Il déposa un baiser sur le front de sa fille et, avant de partir, murmura doucement :

— Bonne nuit Augusteen. Je t'aime fort, ma princesse.

Il retourna ensuite dans sa chambre pour se préparer à reprendre les rênes de Daemonium, mais il aperçut au loin un tout petit objet scintillant : il s'agissait de la bague qui avait appartenu à sa mère et avec laquelle il avait demandé tant de fois Solemnia en fiançailles, ou du moins c'est ce qu'il avait vu dans les objet-souvenirs du Memorium. Il prit l'alliance entre ses doigts et ferma les yeux quelques instants, se laissant emporter par la nostalgie du visage de celle qu'il avait tant aimée. L'Ombre au plumage noir savait à présent ce qu'il avait à faire. Comme il l'avait dit, il ne pouvait plus mentir, ni se cacher. Il fallait qu'il soutienne sa fille et il savait par où commencer.

Quand Augusteen se réveilla le lendemain matin, les rayons du soleil orange l'éblouirent à tel point qu'elle dut se lever pour aller fermer les rideaux pour être enfin en paix et pouvoir se réveiller en douceur. Une fois ses yeux habitués à la diminution de la lumière, elle se retourna vers son lit et découvrit une robe posée sur le dossier du fauteuil de sa chambre. Elle s'en approcha et caressa du bout des doigts le tissu soyeux de cette magnifique robe violette lorsqu'elle se retrouva plongée dans un Souvenir.

* * *

La rousse fut étonnée de ne plus se retrouver avec du sable au sol, mais bien du goudron ; elle n'était donc plus à Daemonium. Ne sachant où aller, elle marcha quelques instants jusqu'à surprendre deux personnes en train de courir dans un champ au loin.

Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour reconnaître le long plumage brun de sa mère – qui portait la robe qui contenait ce Souvenir – et devina que le garçon qui l'accompagnait ne pouvait être que Donn-Sleibhe. Elle s'approcha d'eux et les observa en souriant. Ils semblaient si jeunes et si heureux ; c'était la première fois qu'Augusteen se retrouvait dans un Souvenir où on voyait son père en tant que Terrien. Le Maître paraissait si fougueux, si vivant et si amoureux. Comme elle s'en souvenait bien, Donn-Sleibhe avait deux ans de plus que Solemnia et il était devenu un Ombre à seulement vingt ans.

Donn-Sleibhe invita d'une courbette et d'une main tendue Solemnia à danser, et ils se mirent à valser. Ils dansèrent, dansèrent, dansèrent, et rirent, rirent, rirent. Même si elle savait ce qui les attendait, Augusteen avait chaud au cœur de voir ses parents si épanouis et, surtout, ensemble. Ils étaient magnifiques à voir au milieu de ce champ de fleurs blanches et de quelques autres rouges, roses ou même jaunes. Ils se regardaient dans les yeux, on pouvait lire à travers leur regard un amour très fort, un amour qui les consumait.

Finalement, le garçon qui semblait ne pas avoir plus de quinze ans mit un genou à terre devant sa belle et sortit une bague de sa poche.

— Scota, pourquoi ne nous marrions-nous pas ?

— Se marier ? s'étonna la questionnée.

— Oui, tu sais, c'est ce que font les gens qui s'aiment.

— Chez moi, ceux qui s'aiment s'unissent. Le mariage n'existe pas d'où je viens.

— Alors unissons-nous !

— Tu ne sais pas de quoi tu parles, Donn. Nous sommes si jeunes, aujourd'hui je fête mes onze ans et...

— Et quoi ? la coupa-t-il. Je veux faire ma vie avec toi, Scota. Je t'aime tellement !