Chapitre 15

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Il faisait nuit, les lampadaires grésillaient doucement au centre-ville. Un peu plus loin, dans un quartier reculé, on pouvait entendre des cris. Alertée, la jeune femme aux longs cheveux roux accourut. Elle dut monter les quatre étages en enjambant les marches deux par deux jusqu'à atteindre l'appartement occupé par une famille irlandaise. Cette famille, Augusteen ne la connaissait pas réellement, mais elle eut la terrible idée de pénétrer dans le logement.

À l'intérieur, elle fit face à un spectacle atroce : une jeune fille de quinze ans était en train de se faire frapper par un adulte. L'homme d'une cinquantaine d'années ne semblait pas vraiment propre sur lui : il avait une barbe d'une semaine, des cheveux rasés qu'on devinait être naturellement noirs et lisses, mais surtout gras, et des yeux noisette remplis d'une colère folle. Il ne semblait plus en possession de ses esprits alors que l'adolescente se protégeait comme elle pouvait en se recroquevillant sur elle-même, les bras autour de la tête, dans un coin de la salle à manger pour échapper comme elle pouvait aux coups de celui qui était en réalité son propre père.

— Réponds-moi, Daireen, réponds-moi ! criait ce dernier en continuant de frapper sa fille. Dis-moi où est ton salaud de frère !

Augusteen fut sous le choc car elle venait de comprendre de qui il s'agissait. En effet, la jeune fille aux longs cheveux roux et aux yeux bleus était bel et bien la petite sœur de Donn-Sleibhe. Malheureusement, la femme de dix-neuf ans savait très bien ce qui allait suivre : Declan, le père, s'apprêtait à la tabasser jusqu'à ce qu'elle succombe aux coups et qu'elle décède. Elle ne pouvait assister à cela, elle ne voulait pas vivre ce Souvenir, mais elle n'arrivait plus à se concentrer que sur les cris et les pleurs de sa tante qu'elle n'avait jamais connue. Augusteen se boucha les oreilles avec les mains, alla se cacher dans une pièce annexe et s'accroupit en fermant les yeux pour se couper de ce qui était en train de se passer juste à côté, à seulement quelques mètres. Elle percevait tout de même des insultes en irlandais qu'elle ne comprenait pas.

Après d'interminables minutes, on n'entendait plus aucun bruit dans l'appartement alors Augusteen sortit de sa cachette et croisa son grand-père – le père de Donn-Sleibhe – qui sortait du logement, toujours dans un état second, les mains immaculées de sang, tout comme ses vêtements. Elle marcha doucement vers le séjour, ne sachant quoi faire. Elle voulait venir en aide à Daireen, mais savait également que cela était impossible. La jeune femme ne pouvait s'empêcher d'aller voir comment sa tante se portait, même si elle savait déjà à peu près dans quel état elle allait la retrouver.

Arrivée près de la table à manger, elle bougea tout doucement de façon à apercevoir le corps de l'adolescente étendu au sol, éclairé par la lune qui brillait à l'extérieur. Elle fut émue par la brillance des cheveux roux de sa tante et comprit qu'elle tenait cela d'Ellen, la mère de Donn-Sleibhe, comme ce dernier le lui avait dit. Augusteen comprenait maintenant d'où elle tenait cette chevelure si rare ; vu que sa mère, Solemnia, avait des plumes brunes – un mélange provenant du plumage rouge foncé de Salmoneus et des ailes d'un noir profond d'Eryx-Eros –, cela ne pouvait pas venir d'elle.

Soudainement, la fenêtre s'ouvrit et une grande masse sombre apparut, effrayant la femme de bientôt vingt ans. Elle fut d'autant plus terrorisée lorsqu'elle se rendit compte de qui il s'agissait : Eryx-Eros Erebus, son grand-père ! Elle se demandait ce qu'il pouvait bien faire ici et ce fut alors qu'il s'approcha de sa tante.

— Voilà ce qu'on obtient lorsqu'on me désobéit, ma chère Daireen Ronwold, expliqua le Maître de l'époque avec une voix faussement désolée qui dévoilait encore plus sa joie perverse.

La concernée tenta de se relever, mais elle était à bout de force. On devinait qu'elle devait avoir au moins deux côtes cassées, idem pour son avant-bras et son nez. Du sang coulait toujours de ses nombreuses plaies, la défigurant totalement ; ses vêtements étaient partiellement déchirés. Elle semblait vouloir dire quelque chose – quelque chose d'insultant – mais elle ne parvint qu'à cracher du sang.

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