Chapitre 16

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Sous le choc, ils s'étaient tous les trois rendus au Memorium le plus rapidement possible. Chacun avait un être cher à perdre dans cette histoire : Donn-Sleibhe allait perdre une grande amie, Jude allait perdre sa tante, et Augusteen allait perdre sa confidente.

Sur le chemin, la rousse avait aperçu au loin un visage familier, elle s'était arrêtée subitement en criant son nom. La concernée s'était alors dirigée vers le groupe affolé et Augusteen lui sauta dans les bras, laissant Judith dans l'incompréhension.

— Tu es là ! Tu es en vie, s'écria la rousse.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda la Claire.

— Nous pensions que tu avais réalisé ton Destin, expliqua son frère jumeau avec une étrange distance envers Judith alors que le frère et la sœur étaient très proches auparavant.

— Mon Destin ? Non, du moins je n'ai rien senti. Pourquoi ?

— Ultan est mort et j'ai pris sa place, annonça le Clair dépourvu de tout sentiment personnel.

— Ultan est... commença la jeune femme sans pouvoir terminer sa phrase, fortement attristée.

— Le plus important c'est que tu ailles bien, dit finalement l'Être de Hine pour changer de sujet et ne plus penser au tragique événement qui venait de se produire.

— Mais si tu es à présent un adjutor alors dans quel état se trouve Annie ? se questionna Judith.

Ils se recentrèrent sur la raison première de leur affolement et reprirent leur chemin vers le Memorium. Augusteen se répétait mentalement qu'elle ne supporterait pas de perdre Ultan et Annie en même temps.

Judith fut la première à pénétrer dans le bâtiment sacré en appelant sa tante, inquiète. Quand elle passa, elle aussi, les grandes portes, Augusteen ne se rendit pas tout de suite compte qu'elle était en apnée, trop stressée pour penser à quoi que ce soit d'autre que l'état dans lequel ils allaient retrouver la Gardienne.

Près de la table, Donn-Sleibhe et Augusteen, suivis de près par Jude, découvrirent Judith à genoux à côté d'une masse blanche secouée de spasmes. En s'approchant, ils comprirent qu'il s'agissait d'Annie Stevenson. Elle était recroquevillée sur elle-même, ses ailes l'entourant, certainement pour se protéger du monde extérieur. Augusteen fut rassurée de constater qu'elle était simplement prise de gros sanglots et qu'elle ne semblait pas en danger de mort. La rousse s'était arrêtée à quelques mètres de la Gardienne, ne sachant comment réagir, alors que Donn-Sleibhe la dépassa et alla rejoindre la Claire qui pleurait. Il s'accroupit et lui tendit quelque chose ; Augusteen ne parvint pas tout de suite à comprendre de quoi il s'agissait, mais elle finit par apercevoir une sorte de plume rouge. Elle devina qu'il s'agissait de celle d'Ultan. Annie redressa la tête et prit la plume délicatement entre ses doigts en la fixant comme si c'était l'une des sept merveilles du monde. Ils avaient laissé le corps du défunt devant la Forêt Claire, près du cours d'eau ; des Nablas devaient être en train de s'en occuper. Augusteen ne savait pas comment cela se déroulait, une fois qu'un Nabla mourrait, puisqu'il n'y avait pas de cimetière ici, mais elle ne voulait pas le savoir.

En observant la Claire en pleurs, la rousse se demandait si Annie aimait Ultan. Elle savait qu'ils étaient amis de longue date, qu'ils avaient traversé des décennies ensemble – même si, physiquement, ils semblaient avoir une trentaine ou une quarantaine d'années – mais Augusteen réalisait à présent qu'elle ne s'était jamais posée de question concernant la vie sentimentale de la Gardienne. En effet, les adjutors perdaient leurs attaches pour se concentrer exclusivement au Maître, mais les Gardiens, eux, les gardaient, même s'ils devaient rester vivre au Memorium pour toujours. Qu'en était-il pour Annie ? Avait-elle déjà trouvé l'âme qui lui correspondait, avec laquelle elle aurait voulu s'unir ? Ou s'était-elle déjà unie ? Est-ce que cette âme pourrait se trouver dans l'un des livres présents dans le bâtiment sacré ? S'agissait-il d'Ultan ? Est-ce que les deux Clairs au service du Maître étaient amoureux ? Augusteen ne pouvait répondre à ces questions et elle se voyait mal les poser à Annie qui venait de perdre son ami le plus proche.

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